En marge du Printemps Inouïs qui s’est achevé vendredi dernier, Pomme nous a accordé un entretien où il était question de ses « Failles » et de ses multiples combats.
Claire Isabelle Geo Pommet aka Pomme a dévoilé son second album Les failles le 1er novembre dernier. Un nouvel opus lumineux, écrit entièrement de ses mains dans une totale liberté, deux ans après le premier album À peu près, dont l’élaboration c’était avéré plus complexe. Un second album qui bénéficie d’une nouvelle édition Les failles cachées, depuis le 13 février dernier.
Vendredi dernier, Pomme partageait l’affiche d’un concert spécial à Bourges avec Aloïse Sauvage, en clôture du Printemps Inouïs. Un printemps indien qui, covid-19 oblige, était réservé aux professionnels de la musique et aux artistes de la sélection Inouïs. Une occasion pour nous de rencontrer Pomme, quelques minutes avant de monter sur scène, pour nous livrer ses « Failles ». Un opus qui a été sacré album révélation de l’année lors de la 35eme cérémonie des Victoires de la musique en février dernier.

Ton second album Les failles a touché un large public de par sa sincérité. Comment tu as trouvé le courage de transformer tes Failles en diamant brut ?
Pomme : Au-delà du courage je crois que j’avais besoin de ça. Après le premier album qui n’était pas comme je l’avais voulu, un peu laborieux à fabriquer, le 2ème je l’ai un peu pondu comme un truc nécessaire, vital. Je me suis enfermée en Bourgogne et j’ai écrit quasiment tout mon album en deux semaines, avec juste cette idée en tête d’être fidèle à ce que je voulais et ne pas penser à ce que les aux autres allaient en penser. Je pense que c’est juste hyper brut et hyper vrai. Je n’ai pas essayé de plaire, c’était ça aussi écrire sans me juger.
A la fois acoustique et sombre, on a l’impression que cet album a été une sorte de thérapie pour toi ?
Pomme : Oui, il y a une espèce d’auto analyse, c’est une introspection hyper intense et c’est de se dire qui suis-je dans ce monde et qui j’en envie d’être et s’analyser. J’étais dans une période où j’étais hyper à fleur de peau, je m’étais séparée de la personne avec qui j’étais, c’était ma première grosse rupture, forcément tu te remets en question. En tout cas je pense que si tu es une personne qui a envie d’évoluer quand tu te fait quitter, tu te remets en question. En gros c’est l’album de ma remise en question du début de la vingtaine, transformé en chansons.

On a lu que tu aimes écrire dans l’obscurité, est-ce une zone de confort pour toi ?
Pomme : Oui, c’est une zone d’inspiration en tout cas. Disons que quand je vais bien je n’ai pas forcément besoin de décortiquer les sentiments de joie et de bonheur. Les sentiments d’aller bien je les vis, je les incarne, ça se sent et ça me donne plein d’énergie et d’idées. Les sentiments de mélancolie, d’angoisse et de complexité, écrire dessus ça m’aide vachement à les désamorcer et à les comprendre. C’est surtout ça de partir d’une matière sombre qui est juste un moment un peu dingue et d’en faire des chansons.
Dans ton dernier single « Grandiose », tu abordes le sujet de la pma, une sorte de conversation avec toi même. Tu as peur de ne pas avoir d’enfant ou plutôt de le faire par rapport au regard de la société ?
Pomme : C’est marrant parce que je n’ai pas du tout écrit cette chanson par rapport à la PMA, elle est juste sortie au moment de la PMA, je l’ai écrite pour moi.
Justement, c’est pourquoi on parle de conversation avec toi-même.
Pomme : C’est exactement ça. Le droit dont je parle dans la chanson c’est vraiment plus le droit moral, de se dire je me sens pas du tout dans la norme, je ne me sens pas du tout appartenir à ce que je vois à la télé, dans les films, dans les médias. J’ai toujours voulu avoir un enfant, mais pourquoi j’ai envie d’avoir un enfant ? Parce que la maternité, quand on est une femme c’est vraiment quelque chose d’hyper lourd, de presque obligatoire. c’est un peu comme quand tu as tes règles, on te dit « ah t’es une femme ». Ce truc est hyper symbolique, dont quand tu as tes règles on te dit que tu es une femme, ça veut dire que tu es une femme parce que tu peux donner la vie. Tout ça c’est beaucoup de pression sur les épaules. Je pense que cette chanson, au-delà de l’orientation sexuelle, elle parle aussi juste de la maternité et du désire d’enfant lorsqu’on est une femme et de ce que ça implique et du naturel qui est difficile à trouver la dedans. D’ailleurs cette chanson je l’ai écrite la PMA n’était même pas encore un débat. Je l’ai écrite en 2017 et elle est sortie l’année dernière au moment du débat. Tout le monde a associé ça à la PMA alors que c’est juste une conversation avec moi-même.
Dans « Les oiseaux », tu parles d’une histoire d’amour en personnifiant la ville de Montréal où tu as vécu. On a l’impression qu’il y a un sous entendu derrière ce titre.
Pomme : C’est vraiment Montréal, sans sous entendu, mon échappatoire.
Ça a vraiment été important pour toi ?
Pomme : Ah ouais, c’est mon endroit préféré au monde. Un endroit où j’ai envie de vivre. Mais c’est loin et comme je construis une carrière en France, ce n’est pas évident pour moi de déménager là-bas en un claquement de doigts. En général, avant la pandémie quand j’avais deux semaines d’affilée j’avais à Montréal. Après j’ai arrêté de le faire, j’ai trouvé que ça me faisait beaucoup d’aller-retour en avion et que ça faisait une empreinte carbone un peu degueulasse. Mais j’y vais plusieurs fois dans l’année ouais, j’adore être là-bas, c’est comme si je me mets en pause là-bas.
Tu as sorti un EP spécial confinement enregistré à l’iPhone, tu avais besoin de te confier durant cette période particulière?
Pomme : J’ai surtout ressenti la pression de créer pendant cette période avec une énergie de début de confinement, quand tu as l’impression que ça ne va pas durer. Au début j’ai écrit des chansons en anglais, c’était un moment de ma vie où je n’avais pas du tout l’intention d’écrire, parce que j’étais en pleine tournée, en pleine promo, en pleine expansion de mon album. Ce n’était pas du tout un moment que j’avais imaginé comme étant un moment de création. Mais cette espèce de pause forcée m’a un peu mis la pression et du coup j’ai écrit ce que je pouvais avec les moyens de bord et c’était à l’iPhone et ça m’a fait du bien. Mais ensuite je l’ai retiré parce que ce n’était pas quelque chose que je voulais voir durer dans le temps. Depuis je n’ai rien écrit et j’ai beaucoup de mal à écrire dans cette période, ça ne me rassure pas du tout la pandémie mondiale.
On te sent beaucoup active sur certains combats en particulier mais on ne va pas revenir dessus. On aimerait avoir ton point de vue sur les voix qui s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer les faits de harcèlements sexuels dans l’industrie de la musique. Ce sont des faits dont tu en as entendu parler ou dont tu as été victime ?
Pomme : Oh que oui ! C’est des trucs que j’ai vécu, que des amis ont vécu, que des amis d’amis on vécu et dont on ne peut plus taire. Tous les soulèvements qui ont eu lieu récemment j’ai été heureuse et j’ai accompagné ça. Même si parfois ça peut paraître un peu violent parce que ça pose plein de questions. Les gens ils sont là “voilà Instagram c’est pa Sun tribunal”. En fait, dans le cas des agressions sexuelles et des viols, la justice ne fait pas vraiment son travail. Le nombre d’amies à moi qui sont allées porter plainte, après il n’y a pas de suite, il manque des preuves, on ne les croit pas, on remet leur parole en doute. Instagram est devenu le moyen le plus safe de dire “cette personne est dangereuse”, pour moi c’est une grande libération. Après c’est beaucoup de violence, parce que ça a fait émerger tout un tas de caca qui parfois donne l’impression d’être mieux quand tu les tus. Je pense que là on va passer par une période hyper trash mais pour le mieux, je pense qu’à long terme ça sera vraiment libérateur. L’idée c’est vraiment d’assainir le milieu de la musique et de pouvoir évoluer dans une industrie safe où chacun peut avoir sa place. Faire la musique qu’il veut, s’habiller comme il veut, avoir l’apparence qu’il veut, sans être agressé, insulté, violé… c’est vers ça qu’on tend. Il y a beaucoup de choses qui doivent changer, enfin je l’espère, des gens qui doivent changer de poste du fait de leur dangerosité. Au-delà de dénoncer, j’espère que les institutions nous suivront.
Deux femmes à l’affiche de la dernière des inouïs ce soir, heureuse ?
Pomme : Ah ouais c’est cool. Je pense que c’est de plus en plus normalisé d’être une majorité de femmes dans des spectacles. J’avoue de je m’entoure vachement de femmes que je trouve puissantes et qui m’inspirent. Pour moi c’est hyper normal que ce soit deux filles à l’affiche ce soir, ça fait du bien, mais j’avoue que c’est vraiment intégré dans ma vie.
Et tu le sens comment le spectacle de ce soir dans des conditions assez particulières, ça te fait peur ou tu n’y penses pas ?
Pomme : Non je suis contente de jouer, c’est bizarre mais ça ne me fait pas peur…

Une victoire de la musique dans la catégorie meilleure album révélation de l’année, comment tu l’as accueilli ? Comme un poids de plus ou une consécration ?
Pomme : Pas un poids, c’était inattendu et ça m’a encouragé. Ce n’était pas un but, ni une fin en soi. Je me suis juste dit que c’est encourageant que l’industrie et les gens, parce que c’était aussi le vote du public, j’ai trouvé ça encourageant que ma musique soit reconnue comme étant une musique qui plaise à plein de gens différents. Je me suis que comme je n’ai pas fait l’album pour plaire, c’est chouette. Ça m’a encouragé à continuer, mais ça ne m’a pas mis de pression. En vrai c’est beaucoup de positifs et de reconnaissance.
Un conseil aux artistes sélectionnés pour les Inouïs cette année ?
Pomme : De ne pas se compromettre. Là on est dans un monde où on a plus le temps de faire de compromis et de dire oui à des choses qu’on n’a pas envie de faire, moi ça ne m’a jamais servi en tout cas. Ça serait ça mon conseil.
Plus d’infos
Les Failles, le nouvel album de Pomme est disponible sur toutes les plateformes.
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