Initialement prévu le 26 mars 2020 dans le cadre du festival « Le printemps de la chanson », le concert de Renan Luce au Forum de Flers a finalement eu lieu le 25 septembre dernier. Il s’est ainsi, posé en première date de la reprise de tournée « post-confinement » pour cet artiste. Retour sur ce premier concert masqué.

L’effervescence est à son paroxysme : presque sept mois et demi sans concert, je n’y tiens plus! Enfin retrouver ce lien, cette connexion qui se crée entre un artiste et son public, cette sensation de partage, essentielle à mon équilibre. Quoi de mieux pour renouer avec le spectacle vivant, qu’un rendez-vous avec l’artiste qui, dix ans plus tôt, m’a reconnectée avec les concerts, m’a insufflé suffisamment d’inspiration pour alimenter ma créativité et m’encourager à reprendre l’écriture, puis le dessin. Renan Luce est l’artiste de ma vie, celui auquel j’ai juré fidélité pour l’éternité.

Lors de la confirmation de cette nouvelle date, j’avais reçu les information : « jauge pleine » (donc pas de distanciation entre les groupes) et « port du masque obligatoire ». Mon coté insouciant se voyait entrer dans la salle « comme d’habitude, mais masqué ». C’est à dire, attendre une heure devant la salle, entrer parmi les premiers, et se placer tout devant, en gardant une place pour notre amie qui arriverait plus tard.

Les contraintes se sont malheureusement avérées plus drastiques qu’espéré : les organisateurs ont l’obligation de nous placer groupe par groupe, et ne peuvent nous autoriser à garder une place pour une personne arrivant plus tard « car elle croiserait trop de monde ». Incohérences, bonjour, puisque nous sommes restés dans l’entrée de la salle à regarder défiler le public entrant juste devant nous. Le stress du personnel organisateur est palpable, m’enfermant malgré moi dans une sensation d’oppression. Il va falloir apprendre à composer avec ces nouvelles règles, j’avoue, pour moi, aujourd’hui, c’est compliqué.

Clio en 1ère partie

Clio, la chanteuse, ouvre cette soirée. Je connaissais déjà sa jolie voix sur le titre « Mon Rameau« , en duo avec Gauvain Sers. Elle ne cache pas son plaisir de remonter sur scène après plusieurs mois d’abstinence, et introduit son set dédié à l’amour par la bien nommée « Amoureuse« . Cet air très chantant que l’on a tout de suite envie de fredonner et ce texte dans lequel je nous reconnais tellement, moi et mon cœur d’artichaut, m’entrainent rapidement dans sa bulle. Les chansons s’enchainent en une petite histoire, où il est question d’abandonner son compagnon, le retrouver, en rencontrer un autre puis rêver l’amour comme dans un film de Romy Schneider.

Clio en 1ère partie de Renan Luce au Forum de Flers, le 25 septembre dernier.

Clio est accompagnée d’Augustin qui, en plus d’être musicien, et chanteur dans le duo « Sous l’averse« , tient tous les rôles de tous les garçons, pour chaque épisode de cette aventure musicale. Très belle découverte, et coup de cœur infini pour le titre « Amoureuse » que je chantonne déjà par cœur au moment où j’écris ces mots.

Renan luit en choeur

A peine avons nous eu le temps d’échanger, entre copines, nos impressions sur cette première partie (c’est vrai quatre filles, ça papote beaucoup !), que l’orchestre commence à se faire entendre derrière le rideau. Ce dernier glisse vers les côtés de la scène, laissant apparaitre, à contre-jour, une quinzaine de silhouettes : les douze membres du Sinfonia Pop Orchestra, en plus de celles d’un pianiste, un contrebassiste, et un batteur. Celui que le public attend est invisible pour les yeux, mais mon cœur bat plus fort, car je sais où il se cache ; mais rares sont ceux qui ont pu le repérer dans la pénombre.

Une lumière douce et dorée fait apparaitre Renan, assis sur l’estrade de l’orchestre. Sa voix pose doucement les premiers vers de « Le vent fou » sur cette mélodie qui est, pour moi, la plus belle de son dernier disque. Nous voici directement emportés par la tempête intérieure qui a inspiré à l’artiste ses chansons les plus récentes, dont la plupart fait référence à sa séparation amoureuse. En introduction du spectacle, il nous explique sa joie de remonter sur scène, pour prolonger cette tournée qu’il s’est senti volée depuis six mois, et nous prévient qu’elle sera, somme toute, équilibrée par les émotions un peu sombres qui composent son nouvel album.

S’alternent alors les titres récents, dont les versions initiales sont déjà arrangées avec un orchestre, et certains des trois albums précédents, revisités pour l’occasion avec le Sinfonia Pop Orchestra. Les arrangements symphoniques des anciens morceaux leur offrent une nouvelle dimension, un volume supplémentaire, on s’y réfugie avec délectation, et parfois même on y découvre de nouvelles émotions. Ma préférence va aux versions réarrangées de « Monsieur Marcel« , « Le Lacrymal Circus » et « Aux Timides Anonymes« . Ce soir aussi, je redécouvre complètement « La lettre » qui est, à mes yeux, un des textes les plus jolis, ciselés et poétiques qui existent. Cette chanson pâtit malheureusement de ses trop nombreuses diffusions radiophoniques, on s’est habitué à l’entendre, ce qui implique, le plus souvent, qu’on ne l’écoute plus vraiment. Les arrangements pour ce concert lui offrent une seconde jeunesse et permettent au public d’y poser un regard nouveau.

Pour ce qui est des morceaux récents, j’aime particulièrement ce petit temps de complicité entre Renan et son pianiste, à l’occasion des titres « Citadin » et « Enfants de champs » qui font référence à ce qu’on devient en grandissant pour l’une et à l’insouciance de l’enfance pour l’autre, ce doux passage nous enveloppe d’une tendre nostalgie. « Berlin » fait suite à « Cette musique« , dans un prolongement où s’entremêlent les mélodies, comme s’il s’agissait d’une seule et même chanson. La première fait référence aux souvenirs qui restent indéfiniment associés à une musique, notamment ceux liés aux émotions douloureuses d’un amour perdu. La deuxième s’inspire de l’histoire du Mur de Berlin, Renan explique à sa fille « ne vois pas un mur qui se dresse, dans tes sommeils à deux adresses« , préparez les mouchoirs (avec nos masques, c’est un peu plus compliqué à gérer).

Cet enchainement est, sans équivoque, le moment le plus intense de la soirée. Le set s’achève sur le sublime « A bientôt renouveau« , la lumière au bout du tunnel, ce moment où l’on touche le fond, mais on sent qu’il n’y a plus qu’à pousser des pieds pour remonter à la surface. Je chéris particulièrement ce texte, bourré de jolies images, qui pourrait faire écho en chaque personne ayant déjà traversé une longue période difficile.

Le concert s’achève, Renan remercie les musiciens et techniciens. Les plus connaisseurs d’entre nous n’auront pas manqué de constater que deux titres du nouvel album n’ont pas encore été joués. Après une disparition fugace, Renan revient, sous nos applaudissements, interpréter « Du champagne à quinze heures« , texte de Dominique Burgaud (parolier du « Soldat Rose 2« ), invitant au lâcher prise. La soirée se termine sur les notes de « On s’habitue à tout« . Je ne peux m’empêcher de penser : « Même au masque pendant les concerts ? ».

La scène s’éteint pour de bon cette fois-ci, les musiciens la désertent progressivement. Même avec un masque qui gratouille, on aurait bien réclamé encore deux ou trois chansons, mais le travail avec l’orchestre est immense, et le set complet nous a offert non moins de vingt et un titres. On ne peut que rester émerveillés après un concert d’une telle qualité : quinze musiciens pour une interprétation parfaite, sans chef d’orchestre. Et un Renan qui, malgré cette dure période traversée, n’a rien perdu de sa spontanéité et de sa bonne humeur.