En début de semaine, Gael Faure nous a accordé un entretien autour de son nouvel EP L’eau et la peau qui marque un nouveau départ dans sa vie d’artiste indépendant

Jardin des tuileries, lundi 6 septembre 2021, 17h. Nous avons rendez-vous avec Gael Faure pour un entretien autour de son nouvel EP L’eau et la peau, qui sort ce vendredi 10 septembre, trois ans après son précédent album Regain. Un EP qui sonne comme un nouveau départ pour lui qui a décidé de prendre son indépendance en quittant son ancienne maison de disque, pour monter sa propre maison d’édition.

En cette fin d’après-midi ensoleillée, c’est juché sur son vélo, en tenue décontractée d’été, qu’il rejoint l’immense parc du 1er arrondissement, où le rendez-vous a été fixé. S’il lui ai arrivé par moment de vouloir « Renoncer », comme s’intitule le premier extrait de son nouveau projet, la passion a toujours été plus forte chez ce fils d’agriculteur ardéchois, qui n’a plus peur de se livrer. La douceur de ses chansons témoignent du sentiment qui habite cet artiste, qui a choisi de se réinventer dans la simplicité qui le caractérise.

« Je suis assez fasciné par l’eau » confesse-t-il d’entrée de jeu, quand on l’interroge sur le choix du titre de son projet. Pas pour son côté écologique, mais pour sa sensation sur la peau qu’il « adore » et qu’il a retrouvé depuis qu’il a quitté paris pour la campagne. Une façon pour lui de renoncer à toutes les choses superficielles, pour aller vers quelque chose de plus apaisant. Apaisé, voilà comment nous l’avons trouvé, plus en phase avec lui-même et surtout d’une humilité à toute épreuve. Un artiste sincère avec lequel on a envie de nouer une amitié solide et qui n’a pas boudé son plaisir à nous confier quelques mots.

Trois ans après Regain, tu reviens avec l’eau et la peau un nouvel EP qui sortira le 10 septembre prochain. Depuis combien de temps travailles-tu sur ce projet ?

Gael Faure : Je crois que je me suis laissé une petite année de réflexion, de repos, pour avoir de nouvelles choses à dire, savoir comment les dire. Entre le dernier album « Regain » et celui-ci, il y a pas mal de choses qui ont changé. J’ai quitté ma maison de disque (Sony) avec qui j’étais depuis sept ans, je trouvais que c’était un joli cycle d’arrêter un peu avec eux et ça collait plus au propos d’être un peu plus indépendant. Après j’ai monté une boîte d’édition, j’ai tout écrit, tout composé, tout co-réalisé …Voilà ce qu’il s’est passé essentiellement.

Gael Faure. (c): Thomas Laisne

Pourquoi avoir choisi le format d’un EP cinq titres ? Une façon de tout remettre à plat ?

Je me suis rendu compte que par le passé avec Sony, c’était parfois un peu compliqué d’être dans les temps. C’est à dire qu’on enregistre un album et un an plus tard il sort pour des raisons de programmation radio et ça, ça m’a vraiment saoulé, parce que je n’étais plus en phase de la même manière pour sortir un album un an plus tard. Je me suis dit, en coupant la poire en deux entre un EP et un album, je vais pouvoir tout de suite sortir quelque chose. D’ailleurs c’est ce qui s’est passé, on a enregistré il y a à peine huit mois et du coup là il sort. J’avais envie de découvrir ce que c’était un EP, lui donner un nom et puis donner un autre nom à un album.

Au niveau du titre comment l’as-tu choisi ? Pourquoi « L’Eau et la Peau » ?

Parce que je trouve que c’est beau, ça rassure, ça soigne, c’est concert et puis l’eau est partout en nous. Je voulais un titre très simple, très évocateur, très sensoriel, quelque chose dont les gens peuvent s’y rattacher. Pour moi il y’a ce côté écologique, mais pas tant que ça, c’est davantage le côté précieux de l’eau, la sensation de l’eau sur la peau, j’adore ça. Je suis parti de paris pour habiter ailleurs, j’avoue que j’ai passé beaucoup de temps dans la rivière et puis j’adore ça, je suis assez fasciné par l’eau.

L’ambiance générale de l’album est plutôt dans un style très doux, c’était l’effet recherché ?

Moi personnellement, je ne trouve pas que ça soit si doux que ça…

Oui il y a un titre qui sort du lot, on en reparlera tout à l’heure.

Mais en effet, je ne voulais pas que ça soit anti épidermique. La douceur ça me correspond, mais pas que, c’est pourquoi je voulais des sonorités assez aquatiques dans cet album et obligé aussi (ça j’adore), mettre des synthès un peu partout et avoir quelques chose de plus organique notamment avec les batteries, les bass, le piano droit et puis c’était la première fois pour moi que je mettais des cuivres sur des chansons. Oui en effet il y a un côté un peu crème de jour et crème de nuit, mais je ne voulais pas aller trop dans ce sens, il fallait que ce soit un juste milieu

Dans le premier extrait renoncer, tu fais l’éloge de la lenteur, dans un monde où l’on est constamment en mouvement. c’est un état que tu apprécies ?

Parce qu’on en a besoin, de prendre du temps, de savoir pourquoi on fait des choses. Je dis ça, mais je ne suis pas un exemple, j’essaie de part le métier que je fais de ralentir un peu la cadence. Je me suis rendu compte par exemple quand j’étais dans mon ancienne maison de disque, que c’était un peu l’usine. Je me disais « merde j’ai pas choisi ce métier pour ça », même si c’est un peu idéaliste de dire ça. Je voulais vraiment prendre le temps de me questionner et de questionner mon entourage, parce que c’est aussi le but et le pouvoir d’une chanson. C’est pour ça que j’ai choisi « Renoncer » comme titre lent, en espérant que les radios comprendraient et suivraient ce retour un peu plus en douceur. L’idée c’était ça, moi j’ai envie de mettre mon énergie dans des endroits où j’espère humblement pouvoir aider les gens à se calmer, à réfléchir, sans être la personne qui donne des leçons.

Pour paraphraser le premier extrait « Renoncer », à quoi es-tu prêt à renoncer aujourd’hui ou à quoi as-tu renoncé depuis que tu fais de la musique ?

Bonne question. J’ai renoncé à cette soif d’être connu absolument, de se dire que c’est par là que passe le bonheur. Je le savais avant, mais là j’ai vraiment tranché, je me suis allégé de ça, de beaucoup de choses, la pression. Les doutes sont toujours là, parce que ça animent la vie, c’est important. Je fais de la musique depuis l’âge de 18ans, jai toujours vécu de ça, j’ai de la chance parce j’ai des équipes qui croient en moi et qui sont présentes. Je choisis ce que je veux faire, c’est pas forcément le jackpot, mais bon, comme je vois comment ça se passe dans le milieu, c’est un peu vomitif parfois. Je préfère me détendre, le passage sur terre est court, entre 18 ans et 34 ans, tu prends vite des coups dans la tronche et puis tu as envie de proposer quelque chose à côté, il n’y a pas que la musique. Je suis content de ça, je pense avoir moins de pression, être plus présent au quotidien, dans la vraie vie.

Dans le clip du premier extrait on te voit tout naturel en compagnie d’une vache à la campagne ? Tu viens de ce milieu ?

Je viens vraiment de là, mon père était agriculteur. J’ai baigné ou grandi tout du moins dans le milieu animal, des vaches. J’adore cet animal parce qu’il est vraiment doux, tu peux l’insulter, être vache, lui dire les mots les plus beaux elle ne fera jamais rien d’autre que te regarder ou s’en foutre complètement. Je trouvais ça assez drôle et décalé, un petit clin d’œil à d’où je venais, le fait d’assumer aussi ça. Quand je suis arrivé à paris à mes 18 ans, j’avais un peu de mal et surtout on me le faisait bien comprendre « l’Ardèche, c’est où ça ? ». En fait je me rends compte aujourd’hui combien c’est un quasi luxe de venir d’endroits comme ça, et que je n’ai pas à en rougir, c’est ce qui m’a constitué. Maintenant je n’y vais pas de main morte et j’assume simplement.

Cette vie la te manque ? C’est la raison pour laquelle tu as quitté paris ?

C’est fou paris, c’est fou parce que j’ai l’âge que j’ai maintenant. Quand tu as 18 ans c’est génial, c’est une ville merveilleuse, je comprends les gens qui aiment la ville parce qu’ils sont sans doute nés là. Je pense que le monde est bien fait, il n’y a pas que des gens qui veulent rester la, au bout d’un moment on a envie de laisser notre place, moi ça me convient tout à fait. En septembre on s’en va avec ma compagne et franchement c’est bien, c’est pas pour s’extraire du monde, mais pour être plus en phase, profiter au jour le jour et ne pas être énervé, ne pas participer à cette violence. Parce que c’est violent paris, on ne peux pas dire le contraire, il fait de plus en plus chaud, on est énervés,on en a marre, on ne trouve pas de sens à ce qu’on fait… C’est pour ça aussi que je maintiens le fait de vouloir faire des choses qui soient basés sur l’aspect naturel de la vie.

« Tu te soignes en écrivant et en chantant », c’est une forme de thérapie essentielle ?

Ca c’est sur. Au début je ne le voyais pas du tout comme ça, je ne le conscientisais pas, j’étais là je jouais, j’étais content, je me disais « il y a des gens qui viennent, ils m’écoutent …», ça fait triper. Dans ma jeunesse je me suis mis à la guitare vers 14-15 ans, avant ça j’étais dans la nature a fond, c’était la musique qu’il y avait déjà autour de moi. Ça m’a bien aidé à réfléchir différemment, à regarder le monde différent, du coup je trouve ça magnifique de faire passer un message à travers une chanson. C’est pour ça que j’aime bien chanter aussi en français parce que c’est notre langue, on se surprend toujours. Je me dis toujours que je ne suis pas le plus grand des poètes, mais parfois tu sors des phrases et tu te demandes si ça vient vraiment de toi. C’est oser se livrer à soi même, c’est se délivrer de ses propres carcans. On est tous quelque part des poètes, c’est ça qui est important. 

Dans « Ma folie ma maison », tu passes du Français à l’espagnol. Pourquoi ce mélange ?

Je ne sais pas, j’étais en Espagne quand j’ai composé cette chanson, plus précisément à Mallorque, j’avais soudainement envie et j’ai suivi cette intuition.

Tu avais déjà appris l’espagnol avant ?

Non, jamais, mais là j’apprends très sévèrement parce que j’irai m’installer là-bas. Mais là je ne sais pas, la chanson s’y prêtait et je voulais quelque chose d’un peu doux, parce « ma folie ma maison » c’est une chanson qui parle du lien psychique entre les membres de la famille et leurs ancêtres, nos fantômes de familles quoi, nos traumatismes, le côté transgénérationel. quand on est en recherche de son propre soi quoi. 

Je trouvais que c’était assez lourd déjà, même si la compo derrière est plutôt jovial sans verser dans le dramatique. Je trouvais que le refrain espagnol permettait de s’évader, c’est la raison pour laquelle j’ai ajouté des trompettes aussi.

Gael Faure. (c): Thomas Laisne

« The Healer », vient un peu perturber l’ambiance générale de l’EP avec des instruments et arrangements très intense Pourquoi ce contraste ?

Parce que je pense que c’est ce que je suis, c’est vrai les chansons les plus douces sont celles que aiment les gens chez moi (traverser l’hiver…) c’est super, je suis quelqu’un, je pense, de bien intentionné, même si j’ai beaucoup de folie en moi, c’est pourquoi je l’ai appelé « ma folie ma maison », elle parle de moi cette chanson. 

« The Healer » c’est cette envie d’en découdre, d’hurler au monde des choses et puis en même temps de les réparer, c’est pourquoi ça s’appelle the healer ( Le guérisseur).

Je voulais qu’il y ait quelque chose de l’ordre de se laver, l’eau et la peau ça lave. Il y a un autre titre qui est sur l’EP qui s’appelle « la mémoire de l’eau » et qui traite de la douceur de l’eau, mais aussi de sa plus grand violence, à l’image de ce que nous sommes nous les humains. 

En tant qu’artiste comment tu as passé ton confinement ? Tu as profité pour lire ? Écrire ? Respirer ?

J’ai fait tout ça. J’ai eu de la chance, vraiment de la chance. Je pèse le mot parce que je sais que je n’aurai pas pu tenir en étant à paris, mais là d’être dans une maison à la campagne…. Le rêve. Je fais partie de ces privilégiés qui ont eu cette chance, du coup ils vont te dire que le confinement c’était super et ils ont raison c’était super. Malheureusement c’était la folie, il a fait beau, pour les gens qui étaient à l’intérieur ça devait les rendre dingue. Je l’ai vécu très bien, au début j’avais pas envie de me mettre à écrire, à composer, rien. J’allais couper du bois, je jardinais avec ma copine et son frère. On vivait une vie sans savoir où ça allait, ça nous faisait un peu peur mais en même temps on était excitait. Et puis je voyais des gens qui mettaient tout le temps des vidéos d’eux en train de faire de la musique. J’étais vraiment énervé contre ça, je me disais « on ne peut pas arrêter deux secondes de parler de nous… de se mettre en avant, juste la peur de se faire oublier je pense … ».

J’ai rien fait pendant un bon mois, je n’avais jamais posté de vidéos de moi jouant de la guitare à la maison. Et puis j’étais aussi un peu énervé contre la Sacem quand ils ont dit « on rémunère les artistes qui sont chez eux et qui chantent ». Je me suis dit c’est cool, mais alors ils rémunèrent en fonction du nombre de vues, plus tu es connu plus tu gagnes de l’argent. Et puis je me suis dit ça va être la norme si les gens commencent à s’habituer à ça. Je pense qu’il faut savoir se priver un peu des choses pour en goûter plus tard la saveur. On a tellement trop de choses qu’on ne les vois plus. J’aimais bien l’idée d’être un peu rare et de revenir tranquillement plus tard avec quelque chose. Je pense que les gens ont besoin de souffler aussi, pour la musique c’est pareil, on l’a surconsomme!

En 18 ans dans le milieu de la musique, tu n’as jamais eu envie de tout envoyer balader ? De renoncer ?

Renoncer carrément oui, en même temps j’ai hésité à appeler cette chanson comme ça, parce-que je savais que ça allait porter à confusion mais en même temps, tant mieux.

Si, parce justement il y a quelques années j’étais dans l’incompréhension de ce que me reprochait les gens. Parfois je recevais des messages « pourquoi tu ne marches pas plus que ça ? Tu as tout. Tu écris bien, tu as les compos mortelles, tu es beaU, tu chantes trop bien…» oui merci, mais qu’est-ce que tu veux que je te dise ? C’est le système qui est fait ainsi, soit il y a un truc de timing, soit c’est des questions de copinage, beaucoup trop, il faut suivre la vague. Moi c’est pas ma façon de fonctionner, soit j’arrête la musique parce que je ne peux pas me plier à cette tendance. C’est comme si j’avais commencé à mettre des machines et faire de la « trap »parce que c’est ce qui marche. Mais dans ce cas ce n’est plus moi..

C’est souvent demandé aussi sèchement ?

Ce n’est pas demandé ainsi, mais les maisons de disques ont souvent tendances à donner des indications. Personnellement je pense que c’est une tragique erreur, moi je ne suis pas fait pour ça. Je ne dis pas que ça n’aurait pas marcher, si j’avais plus jouer le rôle à fond ça m’aurait servi à quoi à la fin ? Ce n’est pas moi, je serai triste.

C’est pourquoi dans l’album Regain j’avais écrit une chanson qui s’appelle « les visages officiels », sur la posture/imposture, sur le discours qu’on tient toujours, montrer le bon côté et cacher les failles, faut qu’on s’assume à un moment. Je me sens beaucoup plus libéré depuis que j’ai assumé cette position, ce n’est pas vraiment une position que j’ai envie de prendre, ça s’impose à moi. Bien sur c’est moins dans la tendance forcément, c’est pourquoi je n’ai jamais voulu faire un album guitare voix. Les productions sont quand même organiques et synthétiques sur celui-là. Mais ça me va bien, j’ai envie de faire un parcours qui est cohérent sans être absolument trop intellectuel et chiant!

Gael Faure. (c): Thomas Laisne

En indépendant tu as beaucoup plus de boulot, tu dois tout gérer ?

Oui, mais j’adore. C’est très fatiguant en effet parce que tu prends des risques, parce que j’ai co-produit l’album. Avec les équipes, ci-producteurs, ont va chercher les subventions pour faire vivre ça, payer les musiciens, le studio, le graphisme, les attachées de presse. 

Après la sortie de l’EP le 10, Et c’est quoi la suite ?

Déjà on va voir ce qui se passe, je suis content de sortir ça, ça fait longtemps, c’est mon petit bébé.

A l’époque j’avais dit à Sony que j’adorerais faire plusieurs clips, parce que pour moi cet album à plusieurs visages et en plus je crois pas trop m’avancer en disant que je fais partie des artistes qui ont des idées sur les clips. « Renoncer » par exemple je l’ai réalisé. Et là avec Sébastien qui est mon co-producteur, je lui ai dit que si on partait ensemble, je souhaitais vraiment mettre l’accent sur l’image, donc les clips.

Ainsi, on a déjà clipé deux tracks, on va en cliper un autre mi-septembre pour une sortie début octobre et un autre déjà tourné qui sortira je pense en décembre/janvier pour « l’œuvre de nos vies ». On l’avait tourné en premier, ça devait être le premier single, mais j’ai dit non, c’est pas celui-là que je veux en premier, il me faut la vache!

Il est déjà tourné le clip ?

Oui, on va faire vivre une aventure exceptionnelle et vibrante à deux personnages inattendus dans un lieu tout à fait insolite. Trop hâte !

Plus d’infos

L’eau et la peau, le nouvel EP de Gael Faure est disponible sur toutes les plateformes.

Facebook // Instagram