Ils étaient 30.000 à fouler le parc de l’île des impressionnistes les 4 et 5 septembre dernier à l’occasion de la 11ème édition d’Elektric Park festival. Retour sur cette édition record, vécue de l’intérieur par l’un de nos jeunes reporters
Le 3 Septembre 2021, J’ai entassé à la va-vite quelques affaires dans un sac de randonnée et ai sauté dans un train direction Paris. Les oeuvres de DJ Mehdi et de Gaspard Augé dans le casque à m’en faire saigner les oreilles, camouflant tant bien que mal le bruit des rails et les toussotements insupportables d’un voisin de wagon.
Le long before
Le 4 Septembre 2021. Après une nuit à crécher chez la belle-famille, me voilà reposé et habillé en monochrome de la tête aux pieds, marchant direction le RER A accompagné de mon album préféré de musique électronique (Total, de l’artiste SebastiAn) et d’une paire de baskets d’un blanc qui serait bientôt un souvenir. Sur le chemin, pourtant deux heures avant le début des festivités, mon pas rejoignait déjà celui d’individus extravagants, en grosses chaussures, pantalons patte d’ef, piercings, chaînes, crop-tops ou (voire et) avec teintures capillaires à en faire jalouser un nuancier.
L’impatience dans le RER direction Chatou, le lieu du festival, était presque palpable, et l’excitation grimpait alors que l’on imaginait probablement tous un retour fracassant à la vie de festivalier, après deux années de pandémie non fantasmée par de sombres morceaux d’acid trance. Or, mon oreille droite (l’autre occupée par 1999 de Cassius) était tendue et cueillait quelques paroles de jeunes adultes sur les sièges adjacents : « On fera le test covid sur place », « Go déjeuner un bout avant d’y aller ». A ces mots, je commençais à réaliser ma stupide décision, alors que je regardais l’heure sur mon téléphone, 9h27.
Bienvenue à la 11ème édition d’EPK
Je me retrouvais assis sur une grosse dalle de béton, face à la tente des bénévoles du festival, observant des camionnettes aller et venir de l’entrée principale, avec pour seule compagnie un jeune homme lui aussi absorbé dans sa musique, de la frenchcore qui pissait ses aigus de son casque jusqu’à mes oreilles. J’aurais pu avoir de la peine pour ses tympans si ce n’était pas pour Billx, tapant de manière tout aussi enjouée sur les miens. Deux fans d’électro, incrédules et sur place bien trop en avance.

à 11h15, le staff nous fit signe qu’on pouvait enfin s’avancer vers les bénévoles en charge de la vérification du pass sanitaire. Au loin, on pouvait déjà entendre des artistes ayant commencé leur set, alors certains s’élançaient vers les spots de vérification des billets. Après encore un peu d’attente, et une fouille bien effectuée de nos sacs à dos et nos corps, nous foulions enfin le sol terreux de l’Elektric Park Festival, accueillis par les trois initiales de son nom, trois figures peintes de blanc trônant sur une petite butte et déjà taguées ici et là avec des feutres.
Un programme Elektric
Au programme ce matin, sur quatre scènes différentes, Fein Cerra, Devotion, Tonal et Loïc Couppe. Mon regard se porta quelques instants sur Fein Cerra, avant de me diriger vers la Red Stage, où se produisait Devotion, naviguant entre les arbres pour arriver dans un espace découvert, où deux fanions de cette couleur se croisaient, accrochés au dessus de nos têtes. Perchée dans le ciel, une attraction de saut à l’élastique que je voyais déjà des gens essayer, alors que j’arrivais devant le DJ.

Le doux son de la musique hardcore m’enveloppant dans la certitude que la musique électronique serait ma vie et mon salut. Nous étions peu, mais le DJ, en bon professionnel, prétendait que nous étions mille, alors j’arrivais à faire fi de ma timidité et me mettais à danser, encore stupidement accroché à mon masque comme s’il allait faire quelconque différence. Les quelques personnes présentes se tournaient déjà des artistes en faveur des food-trucks où la bière commençait à être servie, dans de grandes chopes en plastique. Nous étions une dizaine devant la scène, mais malgré tout ça, l’air ambiant sentait déjà une odeur, non pas celle de la sueur (pas encore), mais celle de la félicité.
La Yellow stage en ébullition
Après un certain temps planté devant les tracks joyeusement intoxicantes qu’avait choisi Devotion, je décidais de revenir vers la scène principale (Yellow Stage) apprécier le set orienté house de Fein Cerra, qui malgré le peu de monde présent pour le moment délivra une performance solide, et avec le sourire, alors que les autres scènes se remplissaient petit à petit.
Je suis peut-être un peu sensible, me disais-je, en voyant des groupes arriver costumés de la tête aux pieds, tout comme en convention ! J’ai pu apercevoir une Harley Quinn et un Joker, des personnes affublées de pancartes ‘Free hugs‘, Deux hommes avec des combinaisons colorées leur couvrant même les yeux et plein d’autres déguisements plus ou moins grotesques allant jusqu’à des invitations de mauvais goût aux rapports sexuels et des t-shirts Jackie et Michel.

Tout un beau monde qui finissait finalement par s’attrouper sur le parterre en métal de la grande scène, le long d’un back to back entre Warner Case et Ferdinand Weber, et l’on pouvait commencer à comprendre la séparation musicale entre les différentes scènes, dansant encore une fois sur un set électro house. J’ai apprécié la direction prise par les deux artistes, réussissant à captiver un public jusqu’alors encore un peu endormi, et préparant le terrain pour le visiblement très attendu Vintage Culture, producteur et DJ house & dance brésilien, et artiste marquant le réel début du festival.
Joachim Garraud en maître de cérémonie
Joachim Garraud, DJ et fondateur de l’Elektric Park Festival, s’invita sur le devant de la scène afin d’annoncer l’évènement principal de chaque début de set, un lancer de poudre colorée rappelant la fête des couleurs en Inde, après un décompte sur les grands murs de LEDs décorant la scène principale de l’EPK. Mon t-shirt et mon visage se virent recouverts de violet alors que je hurlais à côté d’un groupe de brésiliens venus aux couleurs de leur drapeau (et AVEC leur drapeau) soutenir Vintage Culture.

Et après un grand boum fracassant suivant l’annonce de l’artiste sur les enceintes, je venais de vivre pour la première fois ce rituel qui se répèterait à chaque nouvel artiste. Je dansais accroché aux barrières, et à chaque drop, toutes les mains étaient levées, tout le monde sautait, c’était fantastique. J’avais depuis un moment retiré mon masque à présent, le jugeant inutile, coincé entre toutes ces personnes. Et au pire, comme les autres, je m’en fichais un peu à présent, enivré par cette ambiance qui m’avait tant manqué.
Au milieu de son set, Vintage Culture passa la musique qui aura été le dernier coup de marteau afin de réveiller l’auditoire, Sandstorm de Darude, hit international devenu mème avec le temps. La foule était en délire à ce stade, et moi aussi, assez étonné de l’effet que pouvait encore provoquer ce morceau malgré son synthé presque grotesque pour les standards actuels.
La French touch fait des émules
Le temps passait et le soleil me menaçait déjà d’une migraine. Les artistes étaient géniaux mais le son faisait mal aux oreilles, et ce même éloigné de la scène. J’ouvrais ma troisième bouteille d’eau et désespérais de ne pas être un buveur d’alcool, guettant les autres éclaboussant accidentellement tout le monde de bière. Cependant, je ne me démontais pas, car le 4ème set sur la scène jaune était un artiste que j’apprécie beaucoup et était l’une des raisons de ma venue au festival : Boston Bun, Ancien membre d’Ed Banger Records.

J’eus perdu les brésiliens de vue mais trouvais à la place d’autres amoureux de ce label, dont ma petite amie, fanatique tout comme moi, comme eux, de French Touch. Bien évidemment, la magie de ces cadors de la fête agit une fois de plus, si bien qu’un Bongo Song de Zongamin ne découragea personne dans cette quête de bonheur, au contraire. Le meilleur était à venir, et sans surprise l’hystérie fut générale quand il passa un remix de ce monument qu’est Music Sounds Better With You, ce morceau du trop célèbre Thomas Bangalter des Daft Punk, Alan Braxe et Benjamin Diamond, considéré comme l’un des plus grands sons de dance music.
Une dernière pour la route
Mais alors que nous parlons des Daft Punk, le set de Boston Bun en arrivait à sa fin, et il était au tour de deux autres membres de Ed Rec de jouer en back to back. Molécule, signature récente du label, et Busy P, son fondateur, ancien manager des deux robots et figure emblématique de la scène club fin 90s début 2000s. Entre quelques sons calibrés house plus ‘moderne’ pour la majorité du public présent devant cette scène jaune, on pouvait y retrouver des classiques du label, tels que la version sur Woman Worldwide de Stress de Justice, Positif de Mr Oizo (Vous êtes des animaux !), Walkman de SebastiAn et Gare du Nord de Carte Blanche (R.E.P DJ Mehdi).

Bon choix de la part des artistes, ces incontournables ont finalement été de réels moments de symbiose, le public criant dès les premières secondes, tout particulièrement pour Stress, qui fut comme un hymne au lâcher prise. Danse, mains en l’air, sauts sur place, pogos improvisés… Un homme me demandait, encore et encore, totalement alcoolisé, « Mais qui sont-ils ? Qui sont-ils ! J’adore ! ». Pour sûr les hommes de Ed Banger Records ont su enflammer la piste comme toujours, et c’est à la fin de leur set, totalement épuisé, que j’ai décidé de partir me reposer, ne sentant plus mes jambes ni mes bras, et les oreilles détruites, le tout sans pourtant perdre le sourire qui était scotché à mon visage depuis mon entrée au festival.
Un 2ème jour, une première…
5 Septembre 2021, aux alentours de 16h30, je débarquais à nouveau sur les lieux du festival, chanceux d’arriver à un moment sans personne dans la queue et accueilli par Alive des Daft Punk se jouant sur l’enceinte.
La surprise Ofenbach
Là pour le début du set de Ofenbach, deux artistes avec lesquels je n’étais pas familier, je fus agréablement surpris par leur manière d’appréhender la scène. Alors que je mangeais un délicieux wrap préparé par l’un des food-trucks présents sur les lieux, ils se mettaient debout sur la table, interagissaient énormément avec le public, enchaînant les pogos, les drops tonitruants, une pluie de serpentins tombant régulièrement sur la tête des festivaliers, tirés par des canons que j’ai pu voir être préparés la veille.

Eux aussi, ont tablé sur des classiques du genre vers la fin de leur prestation, The Weekend de Michael Gray, Right Here, Right Now de Fatboy Slim ou Lady (Hear Me Tonight) de Modjo. J’admirais ce clash des générations, des courants même, alors qu’un festivalier remarqua le t-shirt que je portais aujourd’hui, celui du Z Event 2020, évènement caritatif organisé par le streamer Twitch Zerator. Je pouvais donc maintenant aussi admirer le clash des cultures, comme quoi la communauté des gamers elle aussi s’invitait à présent dans les évènements de musique électronique.
Love generation EPK
Cette fois, j’étais préparé. J’avais attrapé une paire de bouchons d’oreille, j’étais nourri et hydraté ; le soleil se couchait doucement et nous observions tous, le souffle presque coupé, l’arrivée du dernier artiste du festival, Bob Sinclar. Les couleurs furent éparpillées avec beaucoup d’excitation, car, purée, c’était LE Bob Sinclar, et il allait performer pendant deux heures pour clore le festival. Sans aucune surprise, cette conclusion fut à mes yeux parfaite, et malgré quelques problèmes techniques en début de set (il en faut toujours), tout s’enchaîna comme une lettre à la poste. Alors que la nuit tombait les lumières se révélaient, un spectacle rouge, puis bleu, puis blanc, encore et encore, alors que Bob Sinclar témoignait son excitation presque autant que le public, les bras levés, chantant les paroles des chansons avec nous.

Vint finalement l’instant où il joua le célébrissime World, Hold On, et je suppose que je n’étais pas le seul à ressentir des frissons parcourir mon échine, poussant les paroles de ma gorge avec ma voix pourtant déjà bien éraillée, la sueur au front et les mains en coeur. Et comme si cela ne suffisait pas, Bob Sinclar décida de finir sur une autre chanson mythique de sa discographie, Love Generation. Les écrans géants de l’EPK faisaient défiler une avalanche de coeurs, à ce stade, j’avais les chaussures toutes rouges de poudre et je pensais avoir fissuré mon téléphone à force de sauter avec mon sac à dos (heureusement, il va bien). Les gens se souriaient et lui souriaient, et le nombre de coeurs en l’air était maintenant impossible à déterminer sans se poser devant un playback vidéo.
On remet ça l’année prochaine
Une chouette conclusion sous le signe de l’amour pour cette 11ème édition d’un festival qui aura été comme un symbole du retour de la musique dans notre belle France, (remplie d’artistes talentueux), du retour de sa scène électro hors du commun qui j’espère, continuera de faire rêver les prochaines générations partout dans le monde. Joachim vint finalement une dernière fois à l’avant de la scène remercier toute son équipe et les artistes, annoncer un after dans le 9ème arrondissement de Paris et, bien sûr dévoiler la préparation d’une 12ème édition du festival qui se passerait les 3 & 4 Septembre 2022, avant de souhaiter un bon retour à toute cette mare de festivaliers se dirigeant vers la sortie.
les festivaliers eux par contre aucunement décidés à arrêter de crier et faire la fête de si tôt, des holas et des cris de guerres lancés ici et là dans le cortège jusque loin dans les rues. Une fête qui se continua même avec moi, dans le RER A, à revivre casque sur les oreilles l’ambiance de l’évènement tandis que des festivaliers blaguaient et s’amusaient entre eux, relevés de leurs sièges et riant à pleins poumons, s’esclaffant à propos de l’after prochain et du bon moment qu’ils ont passé à sauter et danser, se montrant des vidéos plus ou moins honteuses de leur petit groupe sur leurs téléphones. Et dire qu’on était 30.000 sur les deux jours, un record qui risque d’être battu l’année prochaine avec le retour à la vie normale qu’on espère tous.
- Spicebox