Pour son grand retour, Solidays a battu tous les records avec plus de 247.000 festivaliers sur trois jours. Le festival organisé par Solidarité Sida a fait le plein après une annulation en 2020 et une édition a minima consacrée aux soignants l’année dernière. Retour sur trois jours de fête
Deux ans ! Voilà le nombre d’années qu’il a fallu aux amoureux de musiques actuelles pour espérer fouler à nouveau la pelouse de l’hippodrome de Longchamp où a lieu chaque année le festival Solidays organisé par Solidarité Sida. Le festival qui permet chaque année de financer les plans d’actions de solidarité sida, s’est achevé ce dimanche 26 juin sur une bonne note puisqu’il a attiré plus de 247.000 festivaliers sur trois jours, battant ainsi son précédent record de 2019 qui s’établissait à plus de 228.000 personnes.
Une bonne nouvelle pour les organisateurs, car cette récolte de fonds leur permettra de financer cette année près de 120 programmes de prévention à destination de personnes vulnérables dans plus de 20 pays à travers le monde. On retrouve d’ailleurs certains au village des associations où sont réunies près de 100 associations en provenance du monde entier et qui agissent sur le terrain au quotidien pour défendre les droits des plus vulnérables en promouvant l’amour et la bienveillance. On pouvait aussi croiser des personnalités politiques dans les allées du festival, comme la nouvelle ministre de la culture Rima Abdul Malak, dont c’était une première en tant que ministre.
Cette année, la 24e édition de Solidays a vu se succéder plusieurs têtes d’affiches et de jeunes talents sur différentes scènes. Tour d’horizon de nos coups de cœur avec Orelsan, Pongo, Sopico, Gaël Faye, Damso, Black Eyed Peas, Eddy de Pretto, Nihno, Mathieu Chedid, et sa oublier le rituel de la color party.
Orelsan, un retour simple et basique
Dix ans après sa dernière venue à Solidays, Orelsan est de retour en ouverture de la 25e édition du festival, sur la plus grande scène “Paris”. Pour son 3e festival de la saison, le rappeur caennais actuellement en tournée pour défendre son dernier album Civilisation, sait qu’il est très attendu par le public venu en nombre. A 22h, l’écran géant en fond de scène s’allume et nous plonge dans un monde apocalyptique, avant que n’apparaisse Orelsan sous les cris du public, partagé entre l’excitation d’apercevoir leur idole et l’irrésistible envie d’immortaliser ce moment. Vêtu d’un pull à capuche sur un bermuda jean, le rappeur démarre sa prestation avec le titre éponyme de son 3e album « Civilisation », avant d’être rejoint par le reste de ses musiciens sur scène.

📸: Virginie Rose
« Ça va ou quoi paris ? Vous êtes venus foutre le bordel avec nous ce soir ? Allons y donc » déclare Orelsan avant d’enchaîner sur du « propre » et sa promesse de nous offrir un dernier shot à 5h du matin. Mais sa « Quête » est tout autre ce soir, lui qui aimerait aujourd’hui que le temps s’arrête, n’hésite pas à rependre une « odeur de l’essence » dans l’assemblée pour éveiller les consciences, afin d’espérer un « jour meilleur ». Ses anciens succès sont aussi remis au goût du jour comme « La pluie » feat Stromae remplacé par le public ce soir ou encore le tube « Basique ». Bref Orelsan a fait du Orelsan en embarquant le public dans un monde parallèle durant une heure, celui d’un rappeur qui s’est assagit avec le poids de l’âge et rêve désormais d’une nouvelle « Civilisation ». Quel époque mes aïeux, comme dirait l’autre…
Pongo gagnant
De l’espace presse où nous soufflons un peu afin de recharger nos batteries après avoir dépensé beaucoup d’énergie pendant le concert de Orelsan, on se fait surprendre par la voix nostalgique de Pongo sur « Kuzola ». On croyait avoir un peu de temps devant nous, mais il font foncer sous le chapiteau de la scène César Circus. On retrouve la reine du kuduru sur scène, chantant son chagrin devant une foule impressionnante qui semble envoûtée par ses paroles.
Un public à qui elle apprend les paroles du refrain de « Chora » et qui lui donnera la réplique au moment venu. C’est beau de voir tous ces corps rentrer en transe dans ce mixe de musique traditionnelle angolaise et musiques électroniques. On ne résiste pas à son « Wengue wengue » ensorcelant avec lequel, elle a fait fureur à travers le monde accompagné de son ancien groupe Buraka Som Sistema. Pour prolonger le voyage, nous vous conseillons d’écouter son dernier album Sakidila.
Une guitare, Sopico
Sopico arrive sur scène avec une guitare en forme de tête de mort à la main, instrument devenu clé tant dans les sonorités de son rap que dans son image publique. C’est par « Slide », le premier single extrait de son dernier album qu’il ouvre son concert. On ressent un certain type de public dans la foule, assez jeune et très influencé par le rap actuel dont Sopico fait partie. Au travers de son rap, on ressent l’influence de style de musique variés : du rap français des années 90’s aux rock américain des années 80. Un mélange entre pop, rap et mélancolie qu’il offre au public, aidé de certains classiques de sa discographie et des inédits. Sa voix douce et son énergie sur scène se font ressentir dans le public.
C’est amusant de voir que beaucoup de personnes passant devant le chapiteau, s’arrêtent pour écouter, intrigués par ce jeune homme charismatique. Dans la deuxième partie du concert, Sopico jouera des musiques plus agressives. Les basses devenant plus intenses, sa voix plus grave, et les pogos se formant de part et d’autre sous ce chapiteau brûlant.
Le meeting rassembleur de Gaël Faye
Avant même que le concert ne débute sur la grande scène, on aperçoit la formation d’une foule éclectique. Les musiques de Gaël réunissent bon nombre de générations : des parents avec leurs enfants, des cinquantenaires et des personnes dans leur vingtaine. Vêtu tout de blanc, il arrive comme un ange déposé sur cette scène avec grâce et débute avec le titre homonyme de son dernier album : Lundi Méchant. Sa présence sur scène est intéressante : ce grand maigre aux allures d’un jeune Stromae qui ne fait que bouger et danser tout en sortant des paroles fortes de sens et d’engagement. Un style bien à lui qui fait qu’on ne l’oubliera pas de sitôt. Ses textes sont loin d’être superflus, il parle de vrais sujets qui touchent des minorités avec toujours des airs de légèreté dans le rythme. Il y a parfois des moments de silence, où la musique et la foule se calment, et sa voix l’emporte sur le reste, sous la lumière du soleil aux couleurs d’or. Au travers de toutes ses musiques, on ressent un mélange des cultures, entre ses origines rwandaises et françaises.

📸: Virginie Rose
La tornade Damso
Quinze minutes avant le début du concert, le public est déjà chauffé à bloc, tout le monde veut danser et chanter aux sons de l’artiste belge. On aperçoit une cible et un mannequin sur scène. Personne ne comprend vraiment ce qu’il se passe mais tout le monde est prêt pour ce qui va suivre. Les premières lumières s’allument, un décompte se met en route sur les écrans et la foule se met à crier les numéros affichés. À 00:00, tout devient noir. Damso, artiste tant attendu par un public déjà conquis, apparaît devant les visuels d’un ciel sombre en Noir&Blanc. Fidèle à lui-même et à son personnage, il arrive flanqué de ses lunettes de soleil qui cachent son regard que personne ne semble pouvoir transpercer. Sa voix grave et sombre posée sur des mots violents, avec toujours une douceur qui lui est propre.
La mise en scène est impressionnante : l’univers de l’artiste se fait ressentir dès la première seconde. Des visuels 3D en noir & blanc, des effets d’anciennes VR sur les écrans. Chaque musique à son propre univers sur cette scène. Puis les flammes, toujours plus agressives, prennent possession de la scène. Il chante quelques musiques de son dernier album QALF, mais la majorité du concert se tourne vers d’anciens titres (Macarena, J Repect R, Périscope et bien d’autres). Il revient également sur beaucoup de ses feats. (Disiz, Angèle, Aya Nakamura, Hamza). Si aucun de ces artistes n’est présent physiquement, ils sont présentés sur les écrans géants et font parties intégrantes du show. Et pour terminer, « Mwaka moon », un titre déjà devenu un classique du rap français, chanté en cœur par une foule conquise par l’ambiance festive qui n’a cessé d’aller crescendo jusqu’aux derniers instants.

📸: Virginie Rose
Tonight gonna be a good night says BEP
Avec plus de 80 millions de disque vendus à travers le monde, le groupe de hip-hop américain Black Eyed Peas, fait partie des artistes les plus écoutés de la planète. Actuellement en tourné d’été, le trio amené par Will.i.am avec Apl.de.ap et Taboo, était sans contexte l’une des têtes d’affiche la plus attendue de cette édition par toute une génération qui a dansé sur leurs tubes de rap dans les années 2000. Même si le groupe s’est converti récemment à l’électro, on continu de réciter leurs plus grands tubes sur le bout des lèvres (« Where is the love », « I gotta feeling »…). Des titres qui font toujours recette aujourd’hui si on en juge par l’ambiance surchauffée qui faisait transpirer tout le monde à la fin du show.

📸: Virginie Rose
Eddy de Pretto, une étincelle colorée
Il est heureux d’être de retour quatre ans après son dernier passage en 2018 sur cette même scène “Bagatelle” pour défendre son précédent projet Cure. Eddy de Pretto attire toujours un public varié, en rassemblant plusieurs générations habitées par la même énergie festive. C’est sans superficialité qu’il arrive sur scène, restant fidèle à son personnage. Un jean, un t-shirt blanc avec écrit derrière « Not every boy dreams of being a marine ». Une référence à son combat contre l’homophobie dont il a été victime au cours de sa vie et qu’il retranscrit dans ses textes. Cet artiste de 29 ans, au visage simple et au corps frêle envahit la scène, comme si elle lui avait toujours appartenu. La mise en scène est assez spéciale : tout est vert. Les lumières, le fond, son micro, sa gourde, jusqu’à son vernis à ongles. Cette couleur domine. Dès l’instant où il met un pied sur scène, on ressent la proximité qu’Eddy a avec son public. Tout au long du concert il ira au contact de la foule, avec une approche très humaine, il nous le dit clairement : ses deux premiers albums et le public trouvé lui ont sauvé la vie.

Arrive un moment d’émotion où il parle de sa première participation à Solidays en 2018 et de son parcours depuis. Pour fêter son retour, il chante la musique avec laquelle tout à changé pour lui : « Fête de trop ». À ce moment-là, tout le public chante avec lui ce refrain si entrainant. L’artiste parle des sujets durs avec une voix toujours douce et calme. Tout ce qu’il dit, il l’a vécu et le public le ressent sur scène. Sur certaines musiques, des larmes coulent, sur d’autres des sourires se font voir. Tout comme Gaël Faye, Eddy est un artiste qui manie la langue française avec une grande élégance. Le Jacques Brel des temps modernes.
L’étoile Ninho à longchamp
En arrivant on remarque directement une mise en scène assez monumentale : Deux box de stockage posés sur scène, avec des tags recouvrant les murs. En fond, des buildings dorés entourés d’une pile de lingots d’or. Ninho rentre sur scène derrière un grand nuage de fumée, habillé en survêtement rouge de la tête aux pieds. Le public est plus que prêt et connaît les paroles du rappeur par coeur. Il met toute une génération d’accord. Des sons entendus partout à la radio et en soirée ces cinq dernières années, sont en live aujourd’hui sur cette scène.

📸: Virginie Rose
La fumée et le feu font partie intégrante du concert. Ninho brule tout sur son passage. On ressent clairement l’identité affirmée de l’artiste, avec des paroles crues autour de sa vie en banlieue, ses délits et de ses rêves de gloire désormais accomplis. Le tout exprimé avec une voix grave et dure sur des rythmes dansants. Que serait un concert de Ninho sans Pogos ? Ils sont partout dans la foule, entrainant avec eux des vastes nuages de fumée.
On aime tous M et sa Rêvalité
En conclusion de cette 25e édition de tous les records, on retrouve l’excentrique et sulfureux Mathieu Chedid aka M sur la scène Paris pour une dernière danse. Le multi-instrumentiste le plus titré des Victoires de la Musique a égalité avec Alain Bashung, a drainé un public plutôt familial qui a remplacé les jeunes ados présents au concert de Ninho tout à l’heure. Armé de sa guitare magique et dans un décor violet semblable à la couleur qu’on retrouve sur la pochette de son dernier album Rêvalité, il a livré un show époustouflant et généreux d’une bonne grosse heure, à mi chemin entre le rêve et la réalité. Un voyage dans l’univers à la fois unique et singulier de ce guitariste hors pair de 50 ans, qui n’a rien perdu de son âme d’enfant et avoue volontiers dans « Fellini », avoir « Huit ans et demi » dans ses rêves.
Ce soir, on fait face à « une étoile qui danse », pas du tout « Megalo », mais un peu déjanté sur les bords « Mogodo ». Il nous parle dans la « Langue des oiseaux » comme un hymne de remerciements aux 247.000 personnes qui ont rendu ce week-end de retrouvailles exceptionnel. On t’aime M !
Amour, fête et color party
Comme il est de coutume le dernier jour du festival chaque année, le public se retrouve sur la cène Paris à 18h pour la traditionnelle Color Party. Pendant les quinze premières minutes, il ne se passe pas grand chose mais la foule patiente avec joie en dansant sur le rythme de musiques connues telle que « I Will Survive » ou encore « Alors On Danse ». Le terrain se remplit : Enfants, adolescents et adultes, tout le monde veut vivre ce moment magique. Quelques éléments mettent la puce à l’oreille : des personnes en K-Way alors qu’il fait 25°C, toutes les caméras recouvertes d’un film plastique, des techniciens sur scène retirant tout ce qui pourrait être endommagé. Débute alors les premières festivités. Des personnalités soutenant l’Association Solidarité Sida, arrivent sur scène vêtues d’une combinaison plastique. Antoine de Caunes est le premier, suivi de Denis Brogniart, Oli du duo Bigflo & Oli, Hugo Décrypte et bien d’autres.
Les paquets de pigments commencent à être distribués dans le public. Chacun essayant d’en attraper un pour lui ou pour un ami. Lorsque tous les pigments sont distribués, arrive le décompte. 10,9,8,7,6,5,4,3,2,1… Les bras se lèvent et les couleurs fusent haut dans le ciel. Au départ, on distingue chaque sachet lancé. Puis, les poudres ne forment plus qu’un seul et même nuage au-dessus de la foule. Au sein de ce nuage, rien n’est visible à plus de deux mètres. Les pigments prennent le dessus sur les habits. La seule chose clairement percevable est la musique qui bat toujours plus fort. Le temps de quelques longues secondes, le public est plongé dans un monde de couleurs, de bonne humeur et d’amour. Puis, le ciel reprend ses couleurs naturelles, la foule et la scène reviennent dans le champ de vision. Le nuage multicolore n’est plus là mais la foule est toujours aussi heureuse.
Rendez-vous l’année prochaine pour une 26e édition colorée et que vive l’amour et la musique.