A quelques heures de sa prestation au Mama festival et en attendant la sortie de son 2e album au printemps, retour sur l’interview que nous a accordé Guillaume Poncelet cet été au 6mic à Aix-en-Provence, quelques minutes seulement avant son entrée sur scène pour la première des concerts de la tournée d’été de Gaël Faye.

« C’est le jazz qui m’a fait aimer la musique. Le premier disque que mon père m’a acheté c’était Louis Armstrong et Ella Fitzgerald. D’emblée je me suis dit que c’était ça que je voulais faire. »

Guillaume Poncelet est un musicien de génie, travailleur acharné, passionné depuis son enfance, il s’est nourri de tout style de musique confondu. Après des décennies de collaboration dans l’ombre, il décide de s’aventurer en solo avec son instrument de prédilection, le piano droit, ouvert et joué avec la sourdine, pour un son authentique, empli d’aspérités et de notes feutrées, gage d’une musique intemporelle.

Dès lors « 88 », son premier album, paraît début 2018. Aujourd’hui, son projet solo a mûri et il s’accompagne de la présence sur scène du musicien Louxor, qui permet une mise en relief sensible de ses compositions. Son EP « Haven » sorti en avril dernier, nous invite à voyager dans notre refuge intérieur, ressentir et libérer nos émotions parfois enfouies.

Guillaume Poncelet avance ainsi dans la lumière pour le bonheur de tous les amoureux de la beauté musicale à l’état pur, sans artifice ni compromis. Aussi talentueux qu’humble, aussi exigeant avec lui-même qu’indulgent et bienveillant avec les autres, c’est en toute simplicité qu’il m’a accordé cette interview dans le patio des artistes, au 6mic à Aix-en-Provence, quelques minutes seulement avant son entrée sur scène pour la première des concerts de la tournée d’été de Gaël Faye.

Comment te présentes-tu quand tu parles de toi spontanément ?

Je suis avant tout un musicien, c’est à peu près la seule chose que je sache faire professionnellement, je ne me suis pas laissé d’autres options, alors quand je me présente à quelqu’un qui ne me connaît pas je dis que je suis musicien.

Mais tu possèdes plusieurs cordes à ton arc ?

Oui, si on me demande des précisions, j’aime bien dire que je suis compositeur en premier parce que c’est ce qui occupe le plus de temps et c’est aussi ce qui me passionne le plus. Ensuite je me présenterais comme arrangeur, parce qu’arrangeur ça signifie que tu collabores avec des gens. Et à notre époque où tout se fait par ordinateur, et aussi à distance, c’est quand même une façon de créer du lien : il m’est arrivé d’ arranger des choses pour des personnes que je n’ai jamais rencontrées, et c’est quand même une forme d’échanges, tu leur proposes une version de leur musique, elles te répondent et un lien se tisse.

Qu’est ce qui t’as fait aimer la musique ? Pourquoi la trompette ?

C’est le jazz qui m’a fait aimer la musique, le fait de jouer ensemble de faire des jam-sessions où on improvise tous ensemble me plaît beaucoup. Le premier disque que mon père m’a acheté c’était Louis Armstrong et Ella Fitzgerald. D’emblée je me suis dit que c’était ça que je voulais faire, et à 9 ans j’ai pu commencer la trompette, j’ai senti que c’était une musique qui se façonne sur l’instant, que tu ne joues jamais deux fois la même chose, et c’est ce qui me plaît beaucoup dans cette approche de la musique.

Par conséquent, est-ce que l’apprentissage de la musique au conservatoire n’a pas été trop formel et cadré ?

J’ai dû prendre mon mal en patience parce que là d’où je viens, au conservatoire de musique de Grenoble, il n’y avait pas à l’époque de département jazz, j’ai donc suivi le cursus classique, ce qui n’était pas toujours simple.

Et c’est pour cela que tu as joué du piano en autodidacte, en parallèle, pour te permettre de te libérer de ce carcan ?

C’était mon échappatoire en effet, je pouvais aussi reproduire les musiques que j’entendais à la télé et à la radio, et j’ai eu la chance de grandir dans une famille très ouverte musicalement : on écoutait du jazz, de la pop, de la musique classique.

Comment tes parents ont réagi par rapport à ton intérêt précoce pour la musique ?

J’ai eu énormément de chance d’avoir des parents qui m’ont laissé faire ce qui me plaisait, à l’inverse de mes camarades qui pouvaient être meilleurs que moi techniquement à l’instrument, mais dont les parents voulaient qu’ils fassent « un vrai métier » comme médecine ou droit. Mon père étant lui même écrivain, il avait un regard ouvert sur ce métier de musicien, ma mère m’a demandé de passer mon bac, alors que je savais très tôt ce que je voulais faire et j’ai réalisé assez vite que je n’avais pas besoin du bac pour arriver là où je voulais. J’ai commencé les concerts à l’âge de 13 ans lors du festival « Jazz à Vienne » où j’allais tous les étés traîner partout où ça jouait et je faisais des rencontres.

Ton père était écrivain, tu as mis en musique son sublime texte « Mon Terroir » interprété par Gaël Faye, n’y aurait-il pas d’autres trésors paternels pour lesquels tu pourrais composer une musique ?

Il y a beaucoup de textes écrits par mon père mais c’est délicat pour moi de les mettre en musique. Pour « Mon Terroir », je pouvais le sortir, car c’est un texte autobiographique dans lequel il raconte son enfance, dans le quartier de la Saulaie en région Lyonnaise; et le père de Gaël Faye, est originaire de Lyon. Ils ont un peu la même histoire car ce sont des hommes libres qui ont vécu selon leurs envies et leurs passions, et ils ont écrit tous les deux des pièces de théâtre donc je trouvais le parallèle intéressant : (n.d.l.r c’est pourquoi Gaël Faye interprète ce texte )

Il existe bien sûr des poèmes et textes de chanson de mon père qui ont déjà été interprétés, comme d’ailleurs « Mon Terroir », il y a quelques années, par le compositeur et chanteur Jean-Pierre Le Quément. J’ai parfois hésité et il faut vraiment être sûr, c’est comme quand tu arranges une musique, mon professeur de composition me disait toujours : « si tu arranges il faut que ça soit mieux, ou au moins aussi bien, sinon abstiens-toi ».

Tu aurais peur de ne pas mettre en valeur le texte ?

Ce n’est pas que ça me fait peur mais c’est quand même un monument de mon histoire personnelle, si je m’y attaque c’est parce que je suis sûr de pouvoir contribuer à la diffuser en lui rendant grâce, un jour peut-être… Mais je ne sors pas beaucoup de choses et quand je sors quelque chose je veux que ce soit bien.

Voilà peut-être un indice de réponse pour la prochaine question : pourquoi as-tu attendu tant d’années avant d’entamer une carrière soliste ?

La première raison c’est que je n’éprouvais pas le besoin d’être sur le devant de la scène. En revanche j’avais besoin d’exprimer cette musique que je ressentais depuis des années, qui fait partie de mon histoire, tous ces moments où je m’asseyais seul au piano c’était vraiment le petit espace où je me sentais moi-même sans aucune contrainte, donc c’était très agréable. Et c’était aussi très agréable de le garder secret car la confrontation aux jugements des autres est toujours un peu violente pour moi. J’ai essayé de faire en sorte dans la plupart de mes activités de me cacher derrière quelqu’un. Et c’est en faisant écouter mes maquettes à mes proches que ceux-ci m’ont convaincu de les sortir. Mes premières compositions qui se trouvent dans l’album quatre-vingt-huit de 2018 datent de dix ans avant, je suis parfois long à faire mûrir les choses. Maintenant je crois que c’est un peu comme toutes les peurs dans la vie, une fois que tu les affrontes et que tu sais les surpasser, tu as comme un élan.

Je ne dirais pas que je suis complètement engagé dans ce projet, s’il rencontre une certaine forme d’adhésion ça va me donner du courage, mais si je vois que ça rame trop, à bientôt 44 ans, je ne sais pas si j’aurai vraiment envie de me battre pour faire vivre ce projet, du moins commercialement, par contre j’aurai toujours envie de composer de la musique pour piano.

En règle générale comment trouves-tu ton inspiration ?

Je n’ai pas de règles, parfois c’est un mot qui me donne l’idée et parfois c’est une idée musicale qui me donne l’envie de mettre tel titre, un souvenir, une rencontre, un documentaire … Plein de choses peuvent déclencher la composition. J’adore le mouvement et j’aime beaucoup le train, à chaque fois que je le prends, ça me rappelle mes premiers allers-retours quand j’habitais encore à Grenoble. J’apprécie ces moments de solitude, et le mouvement, voir des images qui défilent. Quand on a la discipline de ne pas passer de temps sur un écran, ça procure toujours de nouvelles sensations qui amènent à de nouvelles idées.

« Haven » ton EP sorti le 26 avril, est une invitation à s’évader dans son refuge intérieur, pour nous apaiser, nous transcender, ou nous réconforter, et toi tu étais dans quel état d’esprit quand tu as composé ces musiques ?

Ce sont des musiques de confinement, je me sentais privilégié d’avoir un endroit à moi alors que tout le monde était un peu à l’arrêt. La plupart de mes amis musiciens qui n’ont pas la chance d’avoir un studio prenaient leur mal en patience et faisaient un peu de musique sur ordinateur pendant que j’avais accès à mon piano 24h/24h, je pouvais jouer de la musique sans déranger personne. Ces musiques d’un monde silencieux qui invitent à l’introspection sont nées comme ça. Et le titre « Haven » exprime des souvenirs d’enfance.

Le titre « Valse Nocturne » nous fait penser au romantisme de Frédéric Chopin, tu as voulu lui rendre une sorte d’hommage ?

Là encore j’ai hésité car chez Chopin, il y a des préludes et des nocturnes que je reconnais comme étant la perfection musicale absolue, et c’était un pianiste virtuose, alors me frotter à ce monument en étant un pianiste autodidacte, je ne me sentais pas légitime. Et puis cette valse revenait encore et toujours, donc j’ai décidé d’assumer cette forme d’hommage de ma façon de vivre cette musique de Chopin.

Ton titre « Peyo » est dédié au cheval éponyme, doté d’une intelligence exceptionnelle (il possède le don d’empathie, il réconforte les personnes en fin de vie dans les hôpitaux, détecte les tumeurs des patients et peut aussi aider certains patients atteints de la maladie d’Alzheimer à la remémoration de souvenirs), « Souls » parle du pouvoir des rencontres qui marquent nos vies : est-ce important pour toi de délivrer des messages au travers de ta musique ?

Ce n’est pas important car ce serait un peu prétentieux de dire : « parce que j’ai une musique à diffuser j’ai aussi une parole à prêcher ». Je ne suis pas dans cette posture là. « Peyo » c’est un hommage à ce cheval que j’ai découvert par hasard via un documentaire YouTube et qui m’a énormément touché. Et là où on peut se rendre compte de la puissance de la musique, c’est que ce morceau m’a permis de rencontrer la personne qui travaille avec cet animal, il s’appelle Hassen. Il a aussi un ancrage dans la région de Grenoble et on a projeté de faire des choses ensemble quand nos emplois du temps nous le permettront.

Pour « Souls », ce sont aussi des histoires personnelles, qui te font penser qu’on traverse la vie en rencontrant des tas d’âmes qui se croisent, et parfois, tu sens qu’il y a des routes qui devraient se croiser et qui ne le font pas parce que c’est un chaos et qu’on est pris dans la tourmente de plein de quotidiens qui s’entrechoquent.

Tu t’entoures en studio et sur scène du musicien Louxor qui rajoute de l’électronique à l’acoustique de ton piano, quelle est pour toi la plus grande valeur ajoutée de cet accompagnement ?

On parlait de Chopin, mais je suis quand même attaché à une certaine forme de modernité. J’ai conscience que la musique que je compose, si on parle gentiment, on pourra dire qu’elle est intemporelle, mais si on parle un peu méchamment on pourra dire qu’elle appartient un peu plus au passé qu’au présent. Il y a des influences classiques, d’autres presque de jazz, mais le jazz c’est la musique du XXème siècle. Louxor c’est cette petite touche de modernité et d’élégance dont j’avais besoin sur scène pour montrer aux gens qu’on peut rajouter au piano de la basse, du synthé, qui font que la musique s’ancre un peu plus dans le présent.

Que préfères-tu, le studio ou la scène ?

J’aime les deux mais le studio est très confortable pour moi, c’est mon domaine et j’ai la chance d’avoir mon studio donc lorsque les gens viennent travailler avec moi, ils viennent chez moi. Je suis dans une position favorable. Le rapport à la scène est ambivalent, il y a des moments que j’adore et il y a des moments, comme celui qu’on va vivre ce soir, que je redoute, parce qu’une première c’est assez effrayant. Ce soir on va jouer des nouveaux morceaux : est-ce que ça va bien se passer ? Est-ce que je suis prêt ? Il y a mille questions dans nos têtes. Je ne dirais pas que j’adore ça sur le moment.

Mais si tout se passe bien ?

Si tout se passe bien, je fais souvent cette comparaison avec le sport : il y a des fois où j’ai pas envie d’aller courir, mais je sais que le moment où j’arrêterai ma séance de sport ce sera génial parce que je serai fier et je me sentirai bien, tout léger. Mais le moment où tu sors où il fait froid ou il pleut, et tu n’as pas très envie, c’est pas agréable. Eh bien c’est un peu le moment avant de rentrer sur scène, un peu cette sensation. Sauf que la scène, ça fait vraiment peur parce qu’on adore ce qu’on fait donc on a envie de montrer un beau visage et une belle musique.

Ton deuxième album doit sortir cet automne et des dates de concert devraient suivre, notamment le 15 décembre au café de la danse, comment arrives-tu à concilier ton propre projet avec celui de compositeur arrangeur producteur d’autres artistes ?

Ce sont des problèmes au quotidien car les journées sont courtes et on n’a parfois pas le temps de tout faire bien comme on voudrait. C’est pour cela qu’on s’entoure de personnes qui nous aident à organiser les choses, à faire ce qu’on n’a pas le temps de faire nous-même : payer des factures pro, commander du matériel, appeler telle ou telle personne pour organiser un concert… C’est toujours du jonglage, un jeu d’équilibriste et je me suis souvent caché derrière le fait que c’est déjà assez dur de bosser pour d’autres donc mon projet verra le jour plus tard. Mais là, j’ai décidé d’arrêter de faire ça, il faut créer ce temps.

Et donc là tu serais prêt à refuser de collaborer avec certains artistes pour mettre ta carrière solo en avant ?

Il y a deux artistes que j’aime particulièrement Ben (Mazué) et Gaël (Faye). Pour moi c’est difficile de leur dire non, mais en fait en discutant avec eux on se rend compte qu’il y a des périodes propices. Je sais que cet automne je serai tranquille parce que Gaël ira écrire et Ben veut faire un break, donc je vais en profiter pour écrire et tourner. Quand on dialogue avec les personnes avec qui on aime travailler il y a toujours moyen de trouver du temps, là encore c’est comme le sport : certains disent « j’ai pas le temps » mais en fait si tu veux vraiment tu trouves le temps, tu te lèves une demi-heure plus tôt et tu y vas.

Outre Gaël Faye et Ben Mazué, tu as collaboré récemment avec des artistes moins connues : Lisa Ducasse et Grazzia Giu, comment les as-tu rencontrées ?

Lisa m’a contacté car elle aimait bien ce qu’on avait fait ensemble avec Ben et Gaël. Lorsqu’elle est venue au studio elle m’a montré un recueil de poèmes qu’elle avait écrit et le fait qu’elle ait cette faculté, un peu comme Ben et Gaël, à écrire des poèmes, mais aussi à être très intéressée par l’aspect musical, ça m’a plu. Elle sait aussi bien déclamer un texte, et lorsqu’elle le chante, c’est aussi très beau. Je crois beaucoup en elle, alors je suis toujours nul pour dire si commercialement quelque chose peut marcher ou pas, je ne sais pas le deviner, mais musicalement je pense qu’elle a vraiment quelque chose à apporter en France. Elle est sincère dans ce qu’elle fait, elle ne cherche pas à « percer », elle a ce côté pur, et je pense que cette approche là peut plaire à beaucoup de gens si elle a la chance de rencontrer les bonnes personnes, d’être diffusée.

Pour Grazzia, c’est Daniel Yvinec qui est l’ancien directeur de l’orchestre national de jazz avec qui j’ai collaboré en 2009 pendant quelques années qui a réalisé cet album. Il m’a demandé, puisque ça se passait dans le studio à côté du mien, de jouer en une séance tous les pianos de l’album, et ensuite il a fait ce qu’il voulait avec. Grazzia est grenobloise d’adoption, la connexion était donc facile.

Tu es donc plutôt ouvert pour travailler avec des personnes peu connues ?

Ce n’est pas une volonté, je ne m’intéresse pas à quelqu’un par rapport à ça, simplement si le projet me plaît, j’y vais.

Tu as signé avec Ben Mazué la BOF « on sourit pour la photo » (de François Uzan qui passe, en ce moment sur grand écran), la BOF documentaire« Rwanda le silence des mots » de Gaël Faye et Michael Stanzke, après avoir composé celle de « Razzia » de Nabil Ayouche en 2018 : est ce que l’univers du 7ème art t’attire de plus en plus ?

Cet univers m’attire beaucoup et depuis toujours, même si je ne suis pas un grand cinéphile, je n’ai pas vu énormément de films dans ma vie. Parfois je connais les films via leur musique, par exemple pour « Eternal sunshine of the spotless mind » j’ai connu la musique de Jon Brion d’abord, et ça m’a donné envie de voir le film de Michel Gondry. Je trouve d’ailleurs ce film incroyable, j’adore Jim Carrey. De même j’adore Philip Glass et ça m’a donné envie de voir le film « The Hours » qui est un chef d’œuvre (réalisé par Stephen Daldry).

https://www.arte.tv/fr/videos/105291-000-A/rwanda-le-silence-des-mots/

Lors de ton concert au 104 du 30 septembre 2021 où tu as présenté tes nouvelles créations musicales, tu as joué pour la première fois le morceau « Drop the Bass ». Quelques jours après (le 9 octobre) Gaël Faye a repris cette composition comme « générique de fin » pour ses concerts en déclamant un texte. Peux-tu nous expliquer comment ça s’est passé et quel a été ton ressenti ?

Cela m’a beaucoup touché que Gaël vienne à mon concert du 104, car depuis quelques années, c’est un homme qui est très pris et qui n’habite même plus en France. Quand il m’a dit après le concert : « ce morceau là je veux le jouer avec vous », c’est à dire avec Louxor et moi (puisque Louxor est également sur scène avec Gaël, on est un groupe, on joue tout le temps ensemble) on a adapté ce morceau pour le concert de Gaël. Il a mis un poème dessus qu’il avait écrit à l’époque pour le morceau « Let’s go to work » du groupe Électro Deluxe. Ça collait bien avec cet univers musical.

J’aime beaucoup ces deux versions, celle avec Gaël est forcément plus musclé puisque c’est un concert de rap et on a rajouté de la batterie. Dans mon projet on « s’interdit » de mettre de la batterie parce que c’est un peu la solution de facilité de mettre du rythme. Avec Louxor on essaie de tout créer nous-mêmes, donc pas de batterie programmée.

Gaël Faye avait pour rêve de rencontrer et collaborer avec Harry Bellafonte, quel serait le tien ?

J’ai eu la chance d’en réaliser quelques uns. Tout d’abord j’étais fan de Claude Nougaro et j’ai eu l’opportunité de le rencontrer à 13 ans. Au début des années 1990 il est passé dans le magnifique Théâtre Antique de Vienne, il jouait en duo avec le pianiste de jazz Maurice Vander. Ce concert était incroyable, j’étais fan de Nougaro depuis des années, pour son rapport au jazz, et pour sa plume, mon père m’a appris à aimer les grands auteurs français, il y avait toujours du Léo Ferré, du Brassens et du Brel à la maison… et du Nougaro ! J’étais beaucoup moins timide à l’époque, j’étais tout fier, donc je suis allé jouer de la trompette avec un copain guitariste devant sa loge après le concert. Il est venu à notre rencontre et il m’a dit : « Petit, tu me sauves la vie parce que j’étais en loge avec le maire et je m’ennuyais, tu me donnes l’occasion de m’extirper de là . » Et on a discuté assez longtemps, il m’a donné des conseils, Maurice également, c’était génial, un moment vraiment inoubliable, ma première rencontre impressionnante. Des années après, avec mon groupe No Jazz, j’ai eu la chance de collaborer avec lui, il nous a autorisés à mettre en musique un morceau qu’il disait sur scène a cappella (le K du Q), je trouvais ça superbe de pouvoir le faire.

Avec ce même groupe j’ai eu également la chance de collaborer avec Stevie Wonder qui est venu assister à un de nos concerts et qui nous a dit : « Les gars, si vous avez besoin de moi y’a pas de problème », donc on a dit : « Bah oui tu viens quand tu veux », donc il est venu faire un solo d’harmonica sur deux de nos morceaux, parce qu’il nous avait dit qu’il ne pouvait pas trop chanter pour des histoires de label, mais que l’harmonica ça passait, et on était évidemment ravis.

Des rêves on en a toujours, et c’est pas forcément avec des gens connus : il m’est arrivé un jour à NYC de tomber dans le métro sur un chanteur guitariste et de me dire, cette personne est incroyable, je rêverais de jouer avec lui.

Et tu n’es pas allé lui parler ?

Non parce que je suis devenu timide, mais peut-être que si je le recroise…

À présent avec quel artiste rêverais-tu de collaborer ?

Il y en aurait tellement, cependant je suis assez épanoui dans ma vie actuelle donc je n’ai pas de manque. Mais je suis admiratif des chanteurs et chanteuses, donc j’aimerais plus collaborer avec eux. En France, il y a de plus en plus de chanteurs et chanteuses qui m’intéressent, par exemple quelqu’un comme November Ultra. Elle a une voix extraordinaire, je ne sais pas si elle aurait besoin de moi, en tout cas je suis très heureux de l’écouter, et si un jour je peux jouer avec elle, ce serait avec grand plaisir, et il y en a plein d’autres comme ça.

Tu étais l’invité de Guillaume Ferran sur sa chaîne Twitch en décembre dernier, et tu l’as à ton tour reçu comme invité lors de ton concert de février à Saint-Jean-de Védas où vous avez offert au public deux improvisations inoubliables, tu as envie de continuer l’aventure avec lui ?

Oui, mais Guillaume Ferran tout comme moi est pas mal occupé, je pense qu’on refera des choses ensemble, mais on est tous les deux très mauvais pour prévoir des choses et j’aime bien quand c’est spontané, donc ça viendra. C’était très agréable d’improviser avec lui car on a une approche identique de la musique et c’est un peu un chat, il s’adapte un peu à tout. J’aimais bien ces petits moments où on se mettait en danger lors de nos improvisations et tu sens que lui il comprend tout de suite, et il me renvoie la balle de temps en temps et j’essaie de m’adapter. Ce qui est chouette dans ces moments là c’est que tu fais des choses que tu n’aurais jamais faites tout seul et ça provoque de nouvelles façons d’explorer la musique et de créer des choses.

Y aurait-il des pianistes féminines avec qui tu aimerais collaborer ?

Oui bien-sûr j’écoute souvent Hania Rani par exemple, que j’aime beaucoup, mais que je ne connais pas, elle est polonaise, c’est un univers que j’aime beaucoup. Quand j’ai découvert ce qu’elle faisait, j’étais à New- York et j’aimais bien marcher dans des endroits que je ne connaissais pas. J’avais acheté un super casque réducteur de bruit, j’étais hyper content, c’était les premiers morceaux que j’ai écoutés avec ce casque et j’étais vraiment en immersion avec sa musique, ça m’a beaucoup plu. Quand j’écoute sa musique je repense toujours à ces moments là dans Manhattan.

Et pourquoi pas un duo avec Ibrahim Maalouf qui aime beaucoup s’entourer d’artistes de style très différents et avec qui tu as été invité en avril dernier dans l’émission Loft Music Sud Radio animée par Yvan Cujious ?

Pourquoi pas ! Avec plaisir, mais c’est quelqu’un qui a un autre niveau de notoriété que moi, il faut voir si ça l’intéresse. Et moi, si la trompette est mon instrument légitime, depuis que je me concentre sur mon projet de piano, je travaille moins la trompette. Écrire de la musique, travailler pour essayer d’avoir un niveau correct au piano, travailler avec d’autres, ça prend du temps. Et la trompette c’est moins mon choix du moment, c’est moins ce que j’essaie de mettre en avant, donc si quelque chose de cet ordre se prépare avec Ibrahim ou un autre trompettiste, il faudrait que je sois vraiment préparé. Même psychologiquement pour l’instant je ne suis pas dans cette zone là.

Et pour maintenir ton niveau de piano tu travailles beaucoup ?

Pour le piano, comme je suis autodidacte, je n’ai jamais fait de gammes ou de choses comme ça. Je cherche de la musique et ça me permet de maintenir mes doigts en éveil, de m’ exercer un peu. C’’est une approche ludique que je n’ai pas du tout à le trompette où c’est totalement différent. Faire des gammes à la trompette me permet d’avoir des repères, le jour où tu ne passes pas telle gamme à tel tempo tu sais par où et quoi retravailler. Pour le piano je n’ai jamais eu ces repères là donc je ne me prends pas la tête, même si je sais que ce système a des limites. En effet, il y a des choses que je ne serai jamais capable de faire techniquement, mais cela ne me pose pas de problème parce que souvent la musique que je veux écrire n’est pas très véloce, ça ne demande pas une technique incroyable. J’essaie de faire passer des émotions dans la mélodie, dans les choses un peu plus calmes, même si il y a parfois des trucs qui s’emportent un peu, faut pas avoir fait vingt ans de conservatoire pour jouer ça.

Est-ce que tu t’interdis certaines activités qui pourraient être dangereuses pour la préservation de tes mains ?

Non, à Paris je suis en vélo tout le temps, donc c’est pas le truc le plus safe, je porte même des choses lourdes. Par contre j’essaie de faire attention, d’être prudent, je ne fume pas et ne bois pas, à ce niveau là je suis calme.

Tu es vegan : est-ce pour des raisons médicales ou par convictions personnelles ?

C’est un peu les deux : au départ c’était pour des raisons physiques. J’étais dans un moment de ma vie où je me sentais toujours un peu mou, pas trop le moral, toujours un peu enrhumé, toujours avec quelque chose qui m’empêche d’être super bien. À tel point que cela m’était compliqué de jouer de la trompette dans les mois où il y a du pollen et des allergies saisonnières. Je ne pouvais plus jouer, je faisais de l’asthme d’effort, pour courir et monter des escaliers c’était compliqué, j’avais aussi des migraines. J’ai eu la chance de rencontrer des gens et de lire des choses qui m’ont guidé vers cette voie là, que j’ai choisi aujourd’hui. En deux mois tous mes problèmes chroniques ont disparu, c’était deux mois horribles car il y a eu un processus d’élimination assez violent, j’ai perdu beaucoup de poids, que j’ai regagné ensuite, c’était deux mois où j’étais très fatigué et encore plus dans le doute, mais on m’a dit de persévérer et finalement cela s’est avéré payant.

Et il se trouve que cette façon de manger est complètement alignée avec ce que je suis et ce que je pense aujourd’hui, sur notre rapport au monde, à la nature, aux animaux. Il y a énormément de mes proches qui ne fonctionnent pas comme ça et je les respecte complètement. Je ne jugerai jamais quelqu’un en fonction de ce qu’il met dans son assiette, mais c’est vrai que moi c’est de cette façon là que je me sens bien et en place dans ce monde.

Plus d’infos

Son 2e album devrait paraître au printemps prochain. Cependant, pour une évasion dans l’intimité musicale de Guillaume Poncelet, rien ne vaut l’expérience du spectacle vivant, le « chuchotement » de son piano est une expérience unique où le raffinement est à son comble.

Il jouera dans le cadre du MaMA festival ce mercredi 12 octobre 2022

https://www.mama-musicandconvention.com/programmation/#/guest/62b2fb95b8087e070e874c99

Il se produira également le jeudi 15 décembre au café de la danse (dans l’attente d’autres dates en province) :

https://www.cafedeladanse.com/event/guillaume-poncelet-dec/

✍🏼: Frédérique Méliand