C’est quoi un bonhomme ? C’est à cette question que fait face Claes dans son dernier single « Bonhomme » dévoilé le mois dernier. A la façon d’un Disiz ou d’un Lomepal, son écriture sensible séduit, d’autant plus qu’il est hors de question pour cet artiste de jouer le jeu de la fausse virilité. Rencontre !

Dans un milieu où violence et virilisme sont les maîtres mots, le jeune chanteur et acteur Claes n’hésite pas à parler de ses émotions. Dans ses chansons un brin sensible et vulnérable, il n’est pas question de meufs à moitié vêtue ou de grosses cylindrées, mais de sentiments qui touchent et interpellent. Il met à nu sa fragilité en dénonçant les diktats d’une masculinité toxique règne en maître dans le milieu.

En s’élevant contre les codes de cette même « virilité abusive » déjà dénoncée par Eddy de Pretto dans son premier EP Kid, sorti en 2017, Claes veut aussi les déconstruire, les questionner, mais surtout déranger les esprits réfractaires à tout changement et ça on adore. Trop fragile pour faire du rap ? Comme si faire du rap sensible pour ce passionné de cinéma était un crime.

Cover “message vocal” sorti le 8 juillet 2022.

Bonjour Claes, comment te sens-tu après la sortie de ton clip « Bonhomme »?

Claes : En vrai ça va plutôt bien, c’est toujours quelque chose de sortir un nouveau son, surtout celui là qui est une track hyper importante pour moi, que je veux sortir depuis un moment donc c’est mega cool. J’avais très hâte aussi en plus du morceau, de montrer le clip. C’est toujours un moment un peu suspendu les semaines qui suivent une sortie.

Cette fragilité masculine que tu évoques dans tes textes, y fais-tu face personnellement ?

C’est justement parce que j’y fais face personnellement que j’ai voulu en faire un morceau pour inciter à lâcher ce truc complètement désuet qu’est la notion de virilité. Donc oui j’y fais carrément face et depuis hyper jeune. Encore aujourd’hui, on m’a déjà dit que j’étais trop fragile pour faire du rap, que j’allais forcement me faire tromper si j’étais fragile ou que je parlais de mes émotions. Ce genre de connerie on me l’a servie un nombre incalculable de fois. C’est à force d’entendre encore et encore ce genre de discours que je me suis dit que ça pourrait être interessant de prendre les idées reçues sur ce thème et de les détournées dans un morceau. Essayer de démontrer à quel point c’est archaïque et ridicule.

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De ce fait que penses tu de la place des artistes féminines dans le secteur musical ou cinématographique ?

J’en pense qu’on en a clairement pas assez, le secteur invisible encore beaucoup les femmes. Les choses bougent doucement, trop doucement, mais c’est clairement pas du tout suffisant.

En parlant de cinéma, c’est un sujet qui semble te passionner, au delà des études que tu as suivies ?

Alors le cinéma oui c’est même carrément obsessionnel. J’ai fais des études de cinéma parce que mon entourage n’en pouvait plus de m’entendre parler de ça et de tout ramener à ça. Je trouve le cinéma fascinant. C’est un art qui englobe tout et qui a un vrai pouvoir. Parler de cinéma c’est l’opportunité de parler de tout et avec tout le monde. Je me suis rendu compte il n’y a pas longtemps que je n’ai aucun souvenir sans le film qui va avec. Chaque moment ou décision importante, chaque phase de vie est ponctuée d’un film que j’ai vu à ce moment là et qui m’a marqué. Un film c’est toujours une occasion, un prétexte pour croire en quelque chose et ça c’est complètement ouf.

Pourquoi ce choix de référence à Rocky Balboa dans ton clip ? Qu’est-ce que ce personnage t’évoque ?

Le thème du morceau « Bonhomme » est un sujet vaste, du coup j’ai trouvé important de pousser la réflexion jusque dans l’image. En cherchant des idées pour le clip, je n’arrêtais pas de penser au personnage de Rocky. Dans l’inconscient collectif, le personnage de Rocky Balboa est une figure virile et forte alors qu’en réalité Rocky est tout l’inverse. C’est une personne sensible rongée par la peur, la timidité et surtout perdue entre ce qu’il veut, ressent et ce que la société attend de lui. Du coup dans le clip de « Bonhomme » j’ai voulu déconstruire le mythe de Rocky en reprenant la scène emblématique du footing matinal. L’idée était de déconstruire le mythe viriliste et populaire de Rocky pour le rebâtir et lui rendre sa place. Une place où il est ok d’avoir peur, ok de pleurer et surtout ok d’être sensible. Vu que je suis né dans les années 90, quand j’étais gamin Rocky était un des premiers héros que j’ai pu voir à la télé. En revoyant le film, j’ai été surpris de voir qu’en fait ces questions sur la virilité et ses déboires étaient déjà là. On se les posait déjà, même dans un film comme Rocky.

“Bonhomme”, clip officiel

Quels liens fais-tu entre la musique et le jeu d’acteur ? L’un t’influence-t-il plus que l’autre ?

Je crois que c’est deux chose intimement liées. Les artistes qui me passionne et m’inspire sont très souvent celles et ceux qui utilisent les deux outils. J’aime les acteurs qui ont une certaine musicalité dans leur jeu; leur prononciation, leur façon de bouger pour faire exister un personnage. Réciproquement j’aime passionnément les artistes qui parfois sont tellement portés par le sujet de leur musique que ça en devient du jeu d’acteur.

Tu vas te voir Les deux m’influencent tout autant je crois. Quand j’écris ou compose, je regarde des scènes de film pour trouver des couleurs musicales. Quand je suis sur un plateau pour jouer, je me raccroche beaucoup à la musique, à chaque fois que je travaille un personnage, avant même d’apprendre le texte je cherche « La musique du personnage », ça m’aide beaucoup pour trouver comment il parle, comment il bouge. Ça fait très artiste « cliché » comme discours, mais c’est vrai.

Comment procèdes tu lors de la création d’un titre /clip etc … As-tu besoin de t’isoler, ou au contraire te nourrir de toute l’actualité autour de toi etc ?

En ce qui concerne la musique, ce qui se passe en général c’est que une fois que j’ai un thème, je laisse mûrir l’idée dans ma tête quelques jours, ensuite je commence à écrire des bouts de texte. Après j’attends une ou deux semaines. Parfois je me fais le morceau dans ma tête, je me dis « tiens je vais faire tel type de drum », « tel type d’ambiance » etc… Une fois que j’ai bien pensé le truc, je m’enferme pendant deux jours. Dans la majorité des cas, je fais tout d’un coup : musique texte, arrangement, mixage, prises voix.

Pour les clips, je travaille avec mon ami Oscar que je connais depuis l’école de ciné. Je vais le voir, on boit du café, beaucoup de café. On parle du morceau, on cherche quel film ce morceau nous évoque. Après pour les clips on travaille beaucoup à l’impulsion, c’est à dire que si une idée nous plait on l’essaye tout de suite.

Quels sont tes instruments, logiciels favoris pour créer ta musique ?

L’instrument que j’utilise pour faire ma musique c’est mon clavier maître. C’est un piano que je branche à mon ordi qui permet d’avoir accès à toute sorte de synthé et de son. Je joue toutes les parties musical avec ce piano. Je travaille avec le logiciel Ableton pour enregistrer, créer et mixer. J’ai commencé la musique assistée par ordinateur avec ce logiciel l’ergonomie de travail est vraiment optimale par rapport à la manière dont je fabrique les morceaux.

Lire ou écouter d’autres types de musique participent-ils à ton inspiration ?

Carrément, j’écoute beaucoup de musique et beaucoup de choses différentes, j’aime vraiment fusionner les genres musicaux, tester des trucs le plus possible. Le plus surprenant là-dedans, c’est que je me rend compte que les choses, les artistes qui m’inspirent beaucoup, la musique que j’écoute ne ressemblent pas tant à la musique que je fais et c’est là, le truc passionnant dans la création. C’est pareil pour le cinéma, la lecture. Le nombre de fois où en sortant du cinéma je suis en mode « Wow là j’ai des idées faut que je rentre bosser »… C’est pareil pour la lecture : dernièrement, une amie m’a offert le dernier bouquin de Virginie Despentes « Cher Connard » et ça me bouscule tellement que ça m’inspire à fond et m’amène à des questionnements qui, eux, m’amènent à avoir des nouvelles idées.

Quelles sont tes sources d’inspiration au quotidien dans la société, penses- tu que les hommes aujourd’hui doivent s’impliquer à redéfinir les codes entre hommes & femmes ?

Mes sources d’inspiration au quotidien, c’est banal, mais ce sont les choses que je vois en bas de chez moi, les choses que j’entends, les histoires des uns et des autres. Cette question de redéfinir les codes est primordiale et essentielle pour tout le monde : c’est vraiment un point central. Je crois que la chose importante pour arriver justement à redéfinir ces codes-là, c’est qu’il faut que nous les hommes acceptions de renoncer à nos privilèges pour une égalité avec les femmes, reculer pour laisser la place. C’est une idée que les hommes ont du mal à digérer.

As-tu des projets autre que la musique, en préparation ?

Oui, je suis en train de finir le tournage d’un long métrage, dont je fais aussi la musique.

Que peut-on te souhaiter pour 2023 ?

Faire beaucoup de concerts et boire moins de coca. Et vous qu’est ce que je peux vous souhaiter pour 2023 ?

“Bonhomme”, le nouveau single de Claes est disponible depuis le 18 novembre 2022.