Marie-Flore n’est pas du genre à travestir ses mots, elle y va cash dans les titres qui forment l’ossature de son premier opus « Braquage« , comme dans les mots de l’interview qu’elle a bien voulu nous accorder, avant les mesures de confinement.

Son « Braquage » de la scène pop l’automne dernier a surpris plus d’un avec la sortie de son premier album presque autobiographique de douze titres. Des titres qui ne parlent pas que de rupture, mais explore aussi la vie de cet artiste qui a vécu deux ans de relation houleuse et que personne n’a vu venir avec son « Braquage » bien opéré.

J’ai eu envie de rencontrer Mairie-Flore depuis bien longtemps, mais à chaque fois ce n’était que « Partie remise ». Nous avons enfin trouver l’occasion d’échanger la semaine dernière autour d’un bon thé, quelques jours avant les mesures de restrictions.

Interview Braquage

Il se passe bien ton braquage de la scène pop avec ce premier album ?

Marie-Flore : Le braquage se passe bien, je suis très contente de son avancé et des retours du public sur le disque, je trouve que ça touche beaucoup de gens.

Peux-tu revenir sur la genèse de ce premier album ?

Marie-Flore : Écrire et enregistrer ça m’a pris à peu près deux ans, après il y a eu plein de phases de travail, j’avais tellement la volonté d’explorer de nouveaux champs musicaux que je n’avais pas l’habitude de produire.

Est-ce que la Marie-Flore de l’opus est la même que j’ai devant moi aujourd’hui ?

Marie-Flore : C’est un disque que j’ai écrit sur une histoire d’amour qui m’est arrivée. Dans ce sens là, c’est un disque qui est très vrai, très sincère. Après, personnellement cette expérience amoureuse m’a fait changer, évoluer.

Pour toi c’était un mal pour un bien ?

Marie-Flore : Je pense qu’il faut se détacher un peu du fantasme qui veut qu’il faut être absolument souffrant ou triste pour écrire de la bonne musique. Moi, il s’avère que là sur ce disque, c’est justement ça qui était le fil rouge de mes compositions, de mon écriture. Mais je n’assimile pas forcément la création à un état de mélancolie avancée, c’est juste que là ça s’est présenté ainsi. D’autre part, c’est vrai que le thème amoureux, depuis des années que j’écris, j’ai toujours parlé d’amour dans mes textes. Et toutes les chansons qui m’émeuvent et qui me touchent, que j’écoute au quotidien d’autres artistes, c’est toujours sur le thème de l’amour.

Est-ce que tu t’attendais à un tel succès avec la sortie de ton premier album ?

Marie-Flore : Je crois que j’essayais de m’attendre à rien surtout, parce que les temps sont durs pour le disque et pour ressortir du lot en général. Après comme dit la phrase « donne le meilleur, le reste ne t’appartient pas », j’ai vraiment sorti le disque dans cet état d’esprit, en me disant que quoi qu’il advienne j’étais fière du disque. Là je trouve que c’est encore des balbutiements, mais il y a de belles rencontres qui sont en train de se faire avec le public surtout sur scène, même sur internet. Je sens comme je le dis, que ça peut toucher vraiment beaucoup de gens et ça c’est la plus belle des récompenses.

Les textes qui claquent ne sont plus le monopole des mecs, ton album est presque autobiographique, tu ne travesti pas tes mots, c’était le but recherché ?

Marie-Flore : Moi ça n’a pas été réfléchi. J’ai commencé à écrire en français, puis la manière d’écrire était assez brutal, abrupte, très franche avec des mots qui veulent dire ce qu’ils sont et qui ne prennent pas de détour. Donc pour moi c’était assez naturel, je n’ai pas réfléchi « ah il faut je parle ainsi ». Je suis quelqu’un de très cash, c’était normal que ça se retrouve sur le disque.

Au-delà de ça c’est vrai que je me suis rendu compte que plus je faisais écouter le disque, j’avais le genre de remarques que tu viens de me faire, « Ah effectivement ça fait du bien d’entendre une femme parler avec ces mots la et que ça ne soit pa d’un terrain exclusivement masculin ». Je pense que c’est bien, on a l’occasion de le faire et que ça soit reconnu, c’est bien aussi.

Est-ce que c’est un handicap ou une chance pour toi dans milieu de la musique de dire des choses un peu cru ?

Marie-Flore : Je trouve que c’est plutôt une bonne chose. Au tout début j’ai eu un peu peur, quand j’ai composé les chansons toute seule dans ma chambre, les premières fois où j’ai fait écouter les chansons, je me suis dit « j’y vais un peu fort ». Et puis finalement je me suis dit « non c’est super« . Les gens ne voyaient plus la vulgarité, mais plus de force de la puissance dans ce que je disais. Du coup ça m’a très vite rassurée et je pense que c’est plutôt un avantage parce que ça aide à se démarquer, avec ce ton un peu plus tranchant (elle rigole).

Pomme, Angèle, Clara Luciani, elles ont toutes remporté une victoire de la musique le mois dernier. De qui te sens-tu la plus proche ?

Marie-Flore : C’est un peu difficile parce qu’on fait des trucs diamétralement opposés toutes, du coup on va dire en terme plus de personnalité, même si c’est quelqu’un que je ne connais pas, je dirai Pomme. Elle aborde des thèmes de l’anxiété etc, c’est quelque chose qui me parle.

A qui ou à quoi as tu envie de dire aujourd’hui « casse toi » aujourd’hui ?

Marie-Flore : Pleins de choses (elle rigole). Mais comme c’était la journée de la femme hier, je dirais casse toi à tout ceux qui se comportent plutôt mal.

Plutôt Adèle, maintenant on se lève et on se casse ?

Marie-Flore : Ça c’est un vaste débat, bien sur que je suis Adèle, je suis toutes les autres, on se lève on se casse.

Mais si on veut vraiment parler de la question, je suis plutôt ce qu’on appelle une féministe inclusive, c’est à dire que pour moi le combat il doit se mener aussi avec les hommes. Je ne suis pas là à penser que tous les hommes sont des ennemis et des sales raclures. Il faut un truc global, qu’on s’aide tous à grandir et que la parole se libère des deux côtés. Je pense qu’il n’y a que comme ça qu’on arrivera à avancer dans un monde serein et vraiment égalitaire.

Des voix commencent aussi à s’élever aussi dans le milieu de la musique.

Marie-Flore : J’ai envie de te dire que tous les milieux sont gangrenés par cette histoire. Oui le milieu de la musique, du cinéma c’est des milieux qui ont tendance à être prescripteurs de mouvements. Si tu es cadre dans un bureau et qu’il t’arrive quelque chose, ce n’est pas aussi mis en lumière que dans le milieu du cinéma ou de la musique qui permet justement de faire des avancées sociales sur ces questions là qui sont très importantes. Après, je pense que c’est des choses qu’on doit continuer dans la société civile et pas uniquement événementiel, mais que ça irrigue tous les pans de la société.

Est-ce que tu t’es dit en composant cet album, ça sera « Tout au rien » ?

Marie-Flore : J’ai vraiment pensé cet album de manière radicale, c’est vraiment un truc que j’ai ressenti, j’avais envie de tout donner, toute façon j’étais dans une période assez radicale moi même, très extrêmement. L’album est à l’image de ce que j’étais, de ce que je ressentais. Je pense que tu ne peux pas faire un album sans tout donner, c’est impossible sinon change de métier. Moi c’est vraiment pas ma vision des choses, même pour les prochains disques. Écrire un disque ce n’est pas se lever et aller au travail, ça ne doit pas être ça. Tu as plein de pans dans ton métier d’artistes où tu te lèves, tu vas faire un concert, tu exécutes, mais pour moi la création doit être lié à quelque chose de plus grand que nous.

En tant que artiste avec un agenda chargé, est-ce que tu trouves encore le temps de t’adonner à la lecture ?

Marie-Flore : Oui, j’essaie de prendre le temps et surtout que c’est un truc qui me manque beaucoup, parce que dans ce métier il y a quand même beaucoup de futilités, beaucoup de choses qui sont centrées sur nous. Je pense que si tu ne lis pas, tu peux très vite devenir con. Lire permet de prendre de la hauteur.

Tes trois dates aux Étoiles étaient complètes et là tu t’apprêtes à conquérir La Cigale* le 28 avril, le succès est au rendez-vous, le public se reconnaît dans ton histoire ?

Marie-Flore : Je pense que mes salles sont remplies pour ça, ce qui est drôle avec le public, surtout les trois dates aux Étoiles, c’était trop drôle, parce que pour les trois premières chansons je sentais que le public était ultra observateur, puisqu’il ne me connaît pas et ne sait pas comment je vais interagir avec lui, moi pareil. C’était marrant parce qu’on se jaugeait mutuellement, on se défiait un peu et très vite les choses se sont mis en place. Les gens que je rencontre après mes concerts (je suis très disponible après) me disent « merci pour ton disque, je me lève grâce à ça, merci pour tout« .

Tu iras à Bourges** le mois, est-ce que toutes ses restrictions ne te font pas peur ?

Marie-Flore : Pour le secteur c’est dévastateur, déjà la semaine dernière je me disais que ça sentait mauvais, là avec ce qui vient de tomber, on réduit encore la capacité des salles, ça me met dans l’embarras pour mes concerts à venir, mes équipes. On a de beaux projets et se dire que ça sera gâché, ça craint un peu. Je suis plutôt d’avis de ne pas faire monter la paranoïa ambiante, c’est dramatique pour le milieu du spectacle. Notamment pour les producteurs et les artistes, il y a plein de métiers qui vont être vraiment ennuyés. Après je préfère rester optimiste, je me dis on verra dans deux semaines.

Bourges** représente une belle case à cocher dans ton agenda ?

Marie-Flore : Ça sera ma première à Bourges, je touche du boit mais normalement on doit jouer le samedi soir avec une très belle affiche, j’espère que ça va se faire, j’ai vraiment hâte de faire mes premiers festivals avec Braquage.

Pour La Cigale il faut s’attendre à quoi ?

Marie-Flore : Pas mal de surprises, des duos, des revisites de titres, là on est en train de travailler dure pour que ce soit un show d’enfer.

** Suite aux restrictions prises par le gouvernement pour faire face à la pandémie du Coronavirus, l’édition 2020 du Festival de Bourges n’aura pas lieu.

* Le concert de Marie-Flore à La Cigale est reporté à une date ultérieure.