Du 1er au 5 décembre, s’est tenue la 43eme édition des rencontres Trans Musicales de Rennes. Malgré les contraintes sanitaires de dernière minute, le festival breton s’en est plutôt bien tiré. Retour sur cette édition exceptionnelle

Les bretons nous ont prouvé une fois de plus, qu’ils savaient faire la fête, lors de la 43ème édition des rencontres Trans Musicales de Rennes qui s’est achevée dimanche dernier. L’événement incontournable de chaque fin d’automne dans le monde des festivals français, a rassemblé quelques 56.000 spectateurs sur cinq jours avec deux soirées (vendredi et samedi) au parc expo annoncées complètes quinze jours avant le début du festival. Une manifestation dont le public a profité pendant qu’il était encore temps, à l’heure où sont annoncés de nouvelles restrictions dans le monde du spectacle. Une situation que les organisateurs avaient anticipés en bloquant la vente des billets en prévision d’une nouvelle limitation des jauges, avant de relancer la machine à 100%.

Parc Expo le samedi 4 décembre 2021. (C): Nico M.

Tandis que d’autres jetaient l’éponge ou annonçaient des reports, le festival breton réputé pour être un dénicheur de talents, accueillait ses premiers participants, en redoutant la formation d’un cluster à l’issue ses retrouvailles. À l’affiche de cette 43ème édition, pas moins de 80 groupes et chanteurs de 34 nationalités différentes qui ont pris d’assaut les différentes scènes pour combler un public en manque de concerts. Malgré quelques annulations en lien direct avec les derniers développements de l’épidémie de Covid-19, comme celle des sud-africains d’Urban Village, la fête fut belle.

Les concerts gratuits font recette à l’étage

Dix minutes après notre descente du train, nous voilà arrivés au Liberté sous une fine pluie. Il pleut, mais il fait quand même beau, bienvenue en Bretagne. Avant de retirer nos accréditations, on monte deux par deux les marches qui mènent à l’Etage, la salle située au Liberté, où le quintet rennais Freak It Out, achève sa prestation sous les applaudissements du public, ravi du show offert par les cinq garçons bretons. Nous un peu moins, on a raté l’occasion de découvrir un groupe du coin alors que l’occasion s’y prêtait.

Mais on sera aux premières loges à 19h30 pour le concert du groupe rock originaire de Douarnenez Komodor, qui offrira au public un voyage retour vers ce qu’était le rock dans les années 60-70, lui qui tire son influence du courant de cette époque. Le quintet sera à nouveau sur scène le soir, mais cette fois-ci sur la scène du hall 3 au Parc Expo et en compagnie du duo Moundrag avec qui il fera monter la température.

Komodor à l’Etage le vendredi 3 décembre 2021. (C): Philippe Remond

Un peu plus tôt dans l’après-midi, au sortir de notre premier concert à l’Etage, nous nous sommes laissé attirer par l’affluence formée devant la scène ouverte par la Radio Fip, sur le parterre dans le hall d’entrée. Tout ce monde est en admiration devant le groupe béninois Star Féminine Band, dont les six membres âgées de 10 à 17 ans, défendent avec optimisme, l’émancipation de la femme africaine dans une chorégraphie savamment maîtrisée. Un show rythmé par des percussions teintées de sonorités africaines et qui pousse le public à bouger, dans une ambiance de fête au village. Le festival offre une exposition bien méritée à cette formation féminine en provenance d’Afrique, qui est sans aucun doute la révélation de cette édition. Elles se produiront le même soir dans le hall 8 du Parc Expo où elles feront sensation et le lendemain à l’Ubu, durant deux heures de temps dans le cadre du concert des familles.

Star Féminine Band sur la scène du hall 8 au Parc Expo, vendredi 3 décembre 2021. (C): Nico M.

Nous sommes de retour à l’Etage le samedi après-midi pour le show d’un tandem féminin qu’on suit depuis quelques mois. Il s’agit du duo féminin Ottis Coeur, né de la rencontre entre Camille et Margaux quelques mois avant le premier confinement, avec pour objectif de faire de leur différence une arme redoutable. Une semaine après la sortie de leur EP à l’ambiance rock garage Juste derrière toi, elles ont l’opportunité de le défendre aux Trans Musicales, c’est u cours d’un concert tout public et en entrée libre. Sur scène, le doute a laissé place à une forme d’assurance où les filles s’émancipent de leur réticence en abordant des sujets intimes comme celui des relations amoureuses foireuses. Une longue ovation du public debout, salue cette prestation de haut volt d’un tandem féminin qui se transforme en trio sur scène, aidé par la maîtrise de sa bassiste avec qui il fait corps.

Le Parc Expo fait carton plein

C’est une première pour les Trans Musicales, le Parc Expo affichait complet le vendredi et samedi soir, avec plus de 32.000 spectateurs sur les trois soirées. L’excitation des retrouvailles après une année blanche a poussé le public à se précipiter sur la billetterie, c’est la grande affluence malgré les caprices de la météo. Tandis que certains font la queue aux guichets cashless pour avoir de quoi régler leurs dépenses du soir, d’autres ont déjà laissé tomber le masque, pour prendre d’assaut les bars et restaurants installés dans le hall 5 située à l’entrée.

Un petit tour dans le hall 3, où c’est le jeune trio LohArano, en provenance de Madagascar, qui est le premier à monter sur cette scène le vendredi soir. Emmené par sa chanteuse et guitariste Mahalia Ravoajanahary, le groupe fera vrombir ses instruments aux rythmes de ce qui se fait sur la grande île, réveillant ainsi un public clairsemé et un peu timide en ce début de soirée.

LohArano sur la scène du hall 3 au Parc Expo, le vendredi 3 décembre 2021. (C): Philippe Remond

Des premières démentielles

Le duo punk anglais Bob Vylan, était très attendu vendredi soir aux Trans Musicales, où il donnait son premier concert en France. Malgré quelques minutes de retard sur l’horaire prévue, les deux amis londoniens enflammeront le hall 8 avec leurs textes bien crus qui dénoncent les différents maux qui gangrènent la société de sa majesté, comme les violences policières ou le racisme. C’est chaud bouillant, les scènes de pogo s’enchaînent dans la fosse, quand ce n’est pas le chanteur Bobby, qui se jette dans le public, sans se soucier des gestes barrières. On en ressort trempé, on n’était plus habitué à recevoir tant d’énergie, surtout venant d’un groupe qui s’inspire de son vécu, pour chanter la révolte des minorités outre-Manche.

Bob Vylan sur la scène du hall 8 au Parc Expo le vendredi 3 décembre. (C): Nico M.

Le lendemain il était aussi question de première, mais au féminin cette fois-ci. C’était la première tournée en Europe du trio féminin adepte de métal Voice of Baceprot, qui a fait un stop aux Trans Musicales le samedi 4 décembre, en provenance du plus grand pays musulman du monde, l’Indonésie. Un pays où le métal est extrêmement populaire, mais qui interdit sa pratique aux femmes, sous prétexte que la musique est contraire à la religion. Mais ce groupe de femmes aux textes engagés, a su braver les interdits pour être sur scène, coiffées de hijab dans lequel elles se sentent à l’aise et tout à fait légitime pour véhiculer leur appel à l’ouverture.

Voice Of Baceprot, hall 3 samedi 4 décembre 2021. (C): Nico M

Tout le monde sur la piste

« Vous n’Avez Pas d’Avis », c’est en gros la traduction donnée au pseudo du producteur et compositeur Vapa. Mais nous, nous avons bien des choses à dire sur le live inédit qu’il a proposé sur la scène Greenroom au Parc Expo dans la nuit de vendredi à samedi. Il nous avait déjà annoncé la couleur, lors de notre aparté quelques heures avant son set (interview à retrouver la semaine prochaine). Il est quatre heures du matin, mais on s’en fout un peu, ambiance house club avec le dj sur le dancefloor, qui embarque tout le monde dans un univers viscéral jusqu’au bout de la nuit. Les corps se laissent porter par l’ambiance entraînante du mix qu’il opère entre des inédits à venir, et les titres de son premier projet Mental.

Samedi soir, bien avant les douze coups de minuit, on assistera à notre dernier show au Parc Expo. Celui offert par Thomas Parent aka Dj Pone, qui a marqué les esprits et les corps avec le set de sa création spéciale Trans Musicales dans le hall 9.

Lujipeka + Barbara Rivage à l’Aire Libre

Le rappeur rennais Lujipeka était en résidence au théâtre de l’Aire Libre durant toute la durée des Trans Musicales, où il proposait une création originale à la demande du festival. Succès garanti pour l’ex moitié du duo Colombine, qui s’est produit chaque soir dans une salle comble et devant un auditoire à qui il n’avait plus besoin de présenter sa « Poupée russe ». Mais le rappeur pour qui le public a fait en partie le déplacement, n’est pas le seul à l’affiche durant cette résidence, le partage avec le duo rennais Barbara Rivage, qui est chargé d’assurer la première partie de ses prestations.

Le rappeur Lujipeka sur la scène de l’Aire Libre. (C): Nico M.

Le tandem avec qui on avait échangé quelques mots en milieu d’après-midi la veille, nous avouait sa fierté de pouvoir se produire à domicile durant cinq soirées d’affilée (Itw à retrouver ici). Arrivé récemment sur la scène rennaise, c’est une véritable consécration pour le jeune groupe breton, qui a su transporter le public avec la poésie de ses textes entêtants, dans lesquels cohabitent amour et mort. Vêtue d’un petit haut longues manches à carreaux, sur un pantalon noire, chignon noué à l’arrière à la manière d’une Catherine Ringer dans les Rita Mitsouko, Roxane secoue le théâtre avec sa voix grave, tandis qu’a l’arrière, Vivien se fait plus discret en maniant habilement sa guitare.

Le duo Barbara Rivage sur la scène de l’Aire Libre. (C): Nico M

En cette fin d’après-midi pluvieuse du dimanche 5 décembre, Barbara Rivage joue une dernière fois devant le public des Trans Musicales. La résidence de presque une semaine s’achève pour le couple qui, émue, reçoit les ovations d’un théâtre debout, avant de quitter la scène la tête haute. Mission accomplie.

Ce fut une belle édition riche en découvertes, avec une forte affluence (56.000 spectateurs), malgré les contraintes sanitaires. La joie des retrouvailles se lisaient sur les visages, même masqués et l’ambiance était au rendez-vous. En quittant le Parc Expo samedi soir, d’aucuns s’interrogeaient déjà sur la 44ème édition des Trans Musicales de Rennes annoncée du 07 au 11 décembre 2022, en se promettant de s’y recroiser.